L’Auteur (avec une majuscule) est plutôt imbu de lui-même, persuadé d’avoir un talent hors norme, d’être attendu comme le messie dans le monde de l’édition et des médias. En vertu de ces qualités, l’Auteur s’attend donc que l’on déplie le tapis rouge partout où il daigne se déplacer, être invité dans les plus grands restaurants, les plus grands hôtels quand il se rend à un salon du livre. Les à-valoir de l’Auteur doivent être mirifiques et la une du Monde des livres lui être réservée.

 

Hélas, la réalité est plus sombre. S’il parvient difficilement à être publié, il ne doit pas s’attendre à ce que la promotion de son livre dure plus de deux mois. S’il a un petit article dans la presse, c’est grâce (un peu) à son attachée de presse, (beaucoup à la chance). S’il reçoit un prix, en province, il doit compter sur un très petit comité réuni autour d’une bouteille de mauvais vin. Mais l’Auteur ne se démonte pas pour autant. Toujours aussi convaincu de son génie, il a mille autres idées pour se ridiculiser : signer le service de presse, échafauder un plan de carrière, passer à la télé, participer à un salon au fin fond de la France où personne ne lui demandera une seule signature, faire face à ses fans, partir en résidence, partir à l’étranger (à Bruxelles), rendre chèvre son attachée de presse…

 

Avec beaucoup d’humour et pas mal de tendresse, Emmanuelle Allibert signe Hommage de l’auteur absent de Paris, une revue de détails de l’Auteur dans toute sa candeur et sa naïveté. Elle-même attachée de presse, elle connaît le milieu de l’édition et décrit par le menu ceux sans lequel l’Auteur n’existerait pas : l’éditeur, le directeur commercial, l’attachée de presse et les journalistes. Si l’Auteur est souvent absurde, ceux qui gravitent autour de lui ne le sont pas moins.

 

Ce court essai est un mélange insolite de bienveillance et de drôlerie.

 

Brigit Bontour

 

Emmanuelle Allibert, Hommage de l’auteur absent de Paris, Éditions Léo Scheer, janvier 2015, 210 pages, 18 €