Paul Mathieu : voix parmi les voix

Le « je » de l’écrivain est comme l’ombre portée de ce qu’il a lu et de ce qu’il lit : bref des auteurs qui le poursuivent. Il s’étire à la surface du langage sous un éclairage de soleil rasant de maîtres qui sont pour lui « la source solaire proprement dite » mais qui  n’apparaît jamais. Bref les auteurs font l’écrivain. Leurs voix  les confrontent à leur propre histoire, racines, systèmes, responsabilités jusque « dans les aliénations que nous infligeons à l’autre tellement différent qu’on ne cherche qu’à le détruire, l’assimiler, le forcer à adopter nos convictions, nos principes ».  Telle est la magie des écritures qui percutent Paul Mathieu et se répercutent « masquées » dans son écriture. Elles restent des présences ambiguës. Elles permettent de déduire du passé le présent et de suppléer les silences. Une théorie de l’écriture germe insidieusement mais sans laïus - comme  l’amour dans le noir. Paul Mathieu  en déplie les draps qui ont fait son « lit »  plus que ses ratures et qui lui ont apporté  une certaine sagesse, une certaine folie. De telles traces s’effacent, reviennent et se chevauchent dans le désir de vaincre un énoncé par un autre. L’auteur y glisse son « je »  en « effet de carpe » mais en ouvrant la bouche prend soin de ne laisser rien entendre. Mais ce rien monte à la surface et les bulles crèvent.  L’auteur s’en oxygène. Il rappelle qu’il existe en lui d’autres qui tirent les rideaux, les ficelles.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Paul Mathieu, « Auteurs autour, Notes sur quelques voix contemporaines et au-delà », coll. essais, Editions Traversées, 15 euros, 2015


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