Paula Becker mise à nu

Avec Paula Becker s’ouvrit une nouvelle page de l’histoire de l’art.  L’artiste osa ce qu’aucune artiste n’avait fait avant elle : l’autoportrait nu. Cette « imposture » fit d’elle une des pionnières de l’expressionnisme allemand. Elle fut toutefois effacée de l’histoire de l’esthétique construite à l’époque par et pour les hommes. L’artiste mourut dans l’anonymat.  Maïa Brami la sort de l’ombre dans un livre hommage et témoignage. La femme n’y est plus l’écran des fantasmes masculins. A la manière de celle de Frida Kahlo la peinture de Paula Becker lutta contre les systèmes sociaux et mentaux qui la considérèrent comme néfaste. Ils ne purent supporter celle qui s’opposa à un ordre contre lequel elle tenta de  s’inscrire, de se vivre.

 

Avec elle la chair féminine et celle de la peinture prit une autre dimension ; une lumière nouvelle révéla le corps féminin jusque là fantomatique. Le corps féminin se dégagea de son refoulé. L’irrépressible qu’il contenait éclatait afin « du dedans » par effet de surface. Néanmoins l’œuvre ne put atteindre la reconnaissance qu’elle méritait. Soit on fit de l’œuvre un usage pervers, soit on l’occulta. D’où l’importance du livre de Maïa Brami. Il ouvre les yeux sur la force de l’œuvre et le désastre d’une vie trop courte. En dépit de leur échec « programmé », l’œuvre et la femme s’y redécouvrent avec amour, attention et intelligence. La rumeur de l’œuvre est là dans la rigueur  d’une prose qui donne au travail de mémoire sa force et sa profondeur.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Maïa Brami, « Paula Becker la peinture faite femme », coll. Mémoire vive, Editions de l’Amandier, 144 p., 20 €, 2015.

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