Demangeot est un poète en lutte contre la réalité et pour sa métamorphose. Son oeuvre renvoie plus à une perception, à une pensée qu’à une rêverie qu'elle se contenterait de ramasser, de fixer au sens photographique du terme.  L’auteur ne suit pas forcément  la logique du jugement de son époque. Il  ne cherche jamais non plus à aveugler son lecteur à coup d’acrobaties verbales, d’excentricités, de fausses audaces. Il suit son sillon, se fait nomade et demeure capable d’intuitions qui ne peuvent laisser insensibles ceux qui croient encore à la poésie et au travail d’ascèse qu’elle implique. S'ouvrent soudain des poches d’ombre, se soulève une source d’aurore en aplomb des chaos dans un travail incessant : «  A la fin je suis le geste de refuser le refus, rien d’autre que ce geste qui n’a pas de fin, mais dont le coup ne manque jamais d’intéresser ou d’inquiéter le bestiau. Je me vise comme gibier jusqu’aux migraines – jusqu’à la crampe qui n’attend pas » écrit Demangeot.

Avec son nouveau livre il entame une fois de plus le pas qui nous rend au monde non tel qu’il est mais tel qu’il devrait muter. A sa manière et dans une certaine violence le poète réinvente l'espoir non par ce qui flashe dans l'intensité et s’oublie aussitôt mais par ce qui se retient. Là où, écrit l’auteur, « tout mon vide noué s’apprête à signifier ,» il fait jaillir des  états naissants. Ils ne possèdent rien d'une nostalgie et foncent vers l'avenir afin que des formes de vie s'exhaussent dans le génie du lieu de la poésie qui en devient la matrice.

Jean-Paul Gavard-Perret