Chronique. Élisabeth Barillé, Stéphanie Janicot, Olivia Elkaïm, Sylvie Bourgeois et les autres…


La vie littéraire, chronique d’Emmanuelle de Boysson |

 

Je reviens de Casablanca où j’étais jury au prix Sofitel Casablanca Tour Blanche présidé par Catherine Enjolet et Tahar Benjelloun avec Driss Jaydane, Fouad Laroui, Olivier Weber, Olivier de Larue Dargère et Catherine  Ceylac. Le 7 mars, au cours d’une belle cérémonie, nous avons remis les Prix Littérature Femme à Naima Lahbil Tagemouati, prix Découverte pour La liste et à Bouthaina Azami, prix auteure confirmée pour Au café des faits divers. Les Marocaines s’imposent avec panache. Un hommage a été rendu à Aicha Ech-Chenna qui œuvre avec courage pour prendre soin des jeunes femmes mères célibataires souvent seules et abandonnées. Le groupe Accor Afrique a en effet annoncé l’achat de 2800 exemplaires de son livre « À haute voix ». Ceux-ci seront revendus dans tous les hôtels du groupe au Maroc. Le Prix Littérature Femme est une initiative qui s’inscrit dans le cadre des Escales littéraires, une idée née de la collaboration de Sofitel avec Catherine Enjolet et  Denis Labayle. Ces Escales consistent à accueillir pour un séjour dans les hôtels Sofitel, des écrivains  invités  à s’inspirer des destinations d’exceptions pour écrire une Nouvelle publiée dans Le Figaro. En octobre dernier, j’ai été invitée à Quiberon où j’ai rédigé une nouvelle. Un souvenir merveilleux. Ce soir, 11 mars, deuxième dîner de sélection du Prix de La Closerie des Lilas. Suspens !

 

Parmi les bonnes surprises du printemps, Élisabeth Barillé ressuscite deux figures à l’aube de leur destin, deux créateurs de génie : Modigliani et Anna Alchamatova, poétesse russe. Dans une salle de vente parisienne, elle découvre une sculpture de Modigliani et croit y reconnaître la poétesse. Élisabeth connaît leur histoire d’amour et d’amitié. Dès lors, elle se lance dans une enquête, récolte des indices, lettres, poèmes, journaux intimes, photos, dessins, reconstitue le puzzle. D’une plume élégante et subtile, elle fait revivre ces êtres passionnés d’art entre le Montparnasse des débuts du cubisme et les dandys de Saint-Pétersbourg. Poignant et passionnant. Un amour à l’aube (Grasset, 208 pages, 16,90 €) 

 

Romancier de talent, auteur du très enlevé Les auto-tamponneuses, Stéphane Hoffmann a eu la bonne idée d’écrire des nouvelles ou plutôt trois contes à l’humour corrosif et décapant. Les dessous d’une époque, le conformisme des familles royales, les différentes manières de lire les Évangiles, il attaque le monde super médiatisé, dans un wargame excitant. Un roi abdique pour ouvrir une auberge, un play-boy italien devient pape – on pense aux Deschiens ! « Vous n’avez pas de papamobile, vous ne parlez pas latin ! » En France, plus personne ne veut bosser : on se la coule douce et on a raison : pourquoi travailler quand on vous pique ce que vous gagnez ? Faites l’amour, pas la guerre ! Jubilatoire ! Le méchant prince et autres histoires sans morales (Albin Michel, 264 pages, 18,50 €).

 

Normalienne, professeur agrégée de philosophie, Mazarine Pingeot se lance dans une comédie, une histoire de femme prise entre son métier, ses enfants et son ex. Joséphine est perdue, angoissée : divorcée, son ex ne cesse de la perturber et exige la garde de ses deux fils. L’inspiration lui fait défaut alors que son éditeur s’impatiente – elle est auteure de livres pour enfants. Cerise sur le gâteau : son banquier la harcèle. Et son lave-vaisselle la lâche. Est-ce la fin des haricots ou le début d’une nouvelle vie ? Drôle et sincère, Mazarine fait mouche et traite d’un sujet grave avec légèreté – le propre d’une romancière dans la veine des Anglaises ! Les invasions quotidiennes (Julliard, 240 pages, 19 €).

 

Stéphanie Janicot ne manque ni d’ambition ni de courage. Le tome 2 de La Mémoire du monde paraît chez Albin Michel le 2 avril (576 pages, 25 €). La remontée de l’histoire se poursuit ; de Cléopâtre aux Croisades, Rome et l’avènement des empereurs, ses intrigues, ses trahisons, mais aussi l’apogée de la philosophie des Stoïciens avec Cicéron et Sénèque. La Judée, la révolution du prophète, la naissance du christianisme et la chute de Jérusalem. La Bretagne après Rome et le temps des chevaliers tandis qu’au sud de l’Espagne s’installe l’islam. La narratrice doit désormais suivre ses filles dans des contrées éloignées aux cultures qui s’écartent. La pensée occidentale avance évinçant davantage la femme.

 

Zola rêve sans nom, de Cyrille Commène (éd Jean-Michel Place, 208 pages, 17 €) dévoile la liaison de Zola avec Jeanne Rozerot. Océane, une jeune artiste descendante de la famille Zola part sur les traces de son ancêtre et découvre des documents dans un grenier. Comment Jeanne, mère des enfants de Zola, a-t-elle été effacée ? Qui était-elle ? Un Zola inconnu que l’on découvre au fil de ces pages sur une œuvre, un écrivain qui marqua des générations.

 

Nous étions une histoire, d’Olivia Elkaïm (Stock, 256 pages, 18,50 €). Anita accouche d’un petit gars. Au lieu de se réjouir, elle s’angoisse, ne dort plus. Que se passe-t-il ? Le passé la submerge, elle fuit, quitte son mari, lui laisse le bébé, descend vers le Sud, vers Marseille, théâtre d’un drame familial. Une grand-mère alcoolique, une mère type Médée, la pauvre Anita se trouve au bout d’une chaîne de femmes où l’amour maternel fait défaut. Un roman sur la maternité, la mémoire, la transmission, sensible et fort, comme un cri étouffé.

 

Elle est scénariste et ça se voit. Sylvie Bourgeois a la plume légère, le sens du dialogue et des situations cocasses. J’aime ton mari publié dans une maison d’édition qu’elle a créée Adora, se lit comme un bloody Mary. Emma, mathématicienne au CNRS, part au Cap d’Antibes au mariage de sa demi-sœur âgée de 20 ans. Déçue par ce monde friqué, genre paillettes et VIP, elle se fait remarquer et fait tourner bourrique, peau de bique, bernique, les invités.

 

Prix Lilas. Aux côtés du jury permanent, les invitées cette année, Cécilia Attias, Roselyne Bachelot, Mireille Darc, Lydia Bacrie, Anne Michelet, Mazarine Pingeot, Daphné Roulier, Amanda Sthers et Karine Tuil ont sélectionné onze romans de femmes :

Le colonel et l’appât 455, de Fariba Hachtroudi (Albin Michel)

Buvard, de Julia Kerninon (Éditions du Rouergue)

La petite communiste qui ne souriait jamais, de Lola Lafon (Actes Sud)

L’Entaille, de Nadine Diamant (La Grande Ourse)

Quatre murs, de Kéthévane Davrichewy (Sabine Wespieser)

Calcutta, de Shumona Sinha (L’Olivier)

Trois jours à Oran, d’Anne Plantagenet (Stock)

Dans la remise, d’Inès Benaroya (Flammarion)

Karina Sokolova, d’Agnès Clancier (Arléa)

Réparer les vivants, de Maylis de Kerangal (Verticales)

Un tout petit rien, de Camille Anseaume (Kero)

Suspens… Le prix sera remis le 8 avril à La Closerie des Lilas.

 

À l’occasion de la publication du Dictionnaire universel des créatrices, un pavé de 7 kilos qui raconte 40 siècles de création féminine à travers 10 000 créatrices et 1600 auteurs (éd des Femmes Antoinette Fouque, 10 004 pages, 165 € – femme exceptionnelle récemment disparue), l’Espace des femmes 35 rue Jacob, accueille jusqu’au 8 mars une exposition de portraits féminins.

 

Alors que 23 librairies Chapitres cessent leur activité, le groupe d’édition indépendant, Albin Michel, a créé la surprise. Son PDG, Francis Esménard, a décidé de reprendre au moins 5 librairies à céder dans le cadre de la liquidation judiciaire de Chapitre. « Notre motivation n’est pas de gagner de l’argent, mais de participer à la sauvegarde de librairies installées dans des grandes villes de province », explique ce formidable éditeur.

 

Le cinéaste chilien Pablo Larrain à qui l’on doit le film No, va réaliser un film sur les années où le prix Nobel de littérature était sénateur communiste au Chili, l’amenant à écrire Canto general. Il est rare qu’un poète, qui plus est prix Nobel de littérature, intéresse le cinéma. On se souvient pourtant du Facteur, de Michael Radford où Noiret campait le poète chilien exilé en Italie pour protester contre la dictature de Gonzalez Gidela.

 

Emmanuelle de Boysson
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