La Chronique de Salon de Pierre Pelot : Abdallah bat Charlie 10 512 000 à 1


Abdallah Ben Abdel Aziz Al-Saoud sont morts vendredi 23 janvier à Ryad, des suites d’une pneumonie commune.

Ils avaient 91 ans.

Ce n’était plus tout à fait une jeunesse.

En 1924, à l’âge de 0 ans, quand il était donc encore seul au monde, ni Ben, ni Abdel, ni Aziz, ni Al-Saoud, ni rien, juste tout, juste un modèle de petit bonhomme éjecté au grand jour après le passage obligé par le stade fœtus, comme n’importe quel infidèle brut de brut, il voit le jour, ouvrant les yeux depuis un point de vue incroyablement privilégié et précisément sis entre les cuisses de sa bonne maman Fahda BintAssi ouvertes sur le panorama grandiose d’un Royaume. Le doigt de Dieu, déjà, lui tapote le front. Naître dans un royaume n’est pas chose facile, sans l’aide de Dieu. Nombre s’y sont essayé et cassé les dents. Précision : naître au bon étage du Royaume, car n’importe où dans ledit Royaume – avec la majuscule, s’il vous plaît, comme pour Dieu – ne suffit pas. Des tas et des tas d’autres naissent à la pelle sur la surface du Royaume, sans qu’on ne leur ait rien demandé, ce n’est pas pour autant qu’ils sont Rois.

 

Dans ce Royaume, nommé Arabie prénommé Saoudite, ils sont des millions, costume national : la chemise de nuit, la serviette en vichy, avec le rond, en guise de coiffure pour se protéger du soleil. Des millions, et, dans le tas, seulement quelques dizaines (centaines ?) étiquetés rois satellites, sans majuscule, fils de rois, cousins, copains, femmes et amants de rois. Il ne faut pas tout mélanger. Une classe sociale à elle seule.

 

À partir de sa naissance, le petit Abd’ grandit puis vieillit et un beau jour se retrouve à la tête de la garde nationale de sa saoudienne patrie, d’où il fera chaud qu’on le déloge, d’ailleurs pas. C’est cette garde qui assure la protection des champs pétroliers. Diriger un royaume de cet acabit n’est pas de la tarte, ni de l’al hanini, et il faut savoir y faire avec les clans, tribus, familles, qui se partagent le gâteau. Savoir y faire aussi avec la religion, les courants du fleuve Islam coulent dans les rues de Ryad et les couloirs du palais. On nous apprend que notre cher Abdallah serait du genre à tendre vers le multifacettes. Plutôt molaires que canines. Dans ce contexte (que nous n’avons par ailleurs ni le temps ni la place ni l’envie de définir précisément), éclate le séisme, comme disent les journaux, que « constitue pour la péninsule arabe l’invasion du Koweït par l’armée irakienne en août 1990 » et voilà qu’un AVC du pouvoir propulse à 72 balais Abdallah au sommet royal.

Ce n’est pas gagné.

 

La monarchie s’en prend plein les gencives et de tous azimuts. On lui reproche tout. D’avoir permis la présence de soldats non musulmans sur le sol saoudien, d’avoir été incapable de défendre le royaume, etc. Ses demi-frères sont là pour le surveiller. Il y va sur la pointe des babouches. Mais il y va, et roule ma poule. Il est à la tête d’un royaume dont quinze citoyens sont des kamikazes d’Oussama, le 11 septembre. Ça donne une idée. Nous n’allons pas non plus retracer ici la carrière du petit bonhomme devenu grand dans son rôle par la force des choses ni l’histoire du Royaume de ces dernières années. Tout modéré et gentil que soit le monsieur, il fut quand même vingt années durant à la tête d’un pays musulman tendance sunnite, personnellement navigateur sur le courant puritain et rigoriste wahhabite, une des branches de la pensée salafiste. Ce qui n’est pas peu dire.

 

Mais ne confusions pas, ne mélangeons pas l’Islam vrai avec le fanatisme terroriste, nous disent les vrais et purs musulmans.

« L’imitation des anciens » (ou salafisme) rejette toute interprétation non littérale du Coran et refuse les allégories, interdit de révérer autre chose que Dieu, interdit le culte des Saints. Sa police religieuse fait respecter de main de fer ces interdits et s’assure de la pratique rigoureuse du ramadan, des cinq prières quotidiennes, de la décence des tenues féminines, masculines, et enfin et aussi de la « non-mixité dans les lieux publics ».

 

Dans ce royaume on coupe des mains et on tranche des têtes par centaines, on lapide. Un mot de travers contre l’islam vous vaut d’être emprisonné, fouetté. Selon la loi islamique en vigueur, les femmes doivent avoir un tuteur si elles veulent travailler, se marier, se faire ausculter par un médecin, voyager. Elles n’ont pas le droit de conduire ni d’assister à un match de football.

 

La minute de silence de la France observée à l’égard des victimes de toutes ces exactions islamo-wahhabites dure depuis vingt ans au moins (soit 10 512 000 minutes) du règne d’Abdallah. Abdallah Ben Abdel Aziz Al-Saoud à ce jour décédé et enterré vite fait bien fait selon la loi. Abdallah Ben Abdel Aziz Al-Saoud, vieil ami de la France à la famille de qui nous présentons nos sincères condoléances laïques et néanmoins chrétiennes, hypocrito-attristées.

 

Pierre Pelot


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