Claude Brasseur, "Merci !"

Claude Brasseur fut l’un des héros de mon enfance. J’adorais Vidocq – qui fut et reste l’un des meilleurs feuilletons (on ne disait pas « série ») de la télévision française. Il y jouait avec décontraction et talent, humour et persuasion. Quelques années plus tard, je l’ai apprécié dans La Guerre des polices, l’un des plus beaux fleurons du cinéma policier des années 70. Enfin, je pus l’admirer sur la scène du Diner de Cons où il fut un Brochant plus crédible (et de loin !) que tous ceux qui lui succédèrent. Car Brasseur jouait la colère rentrée et l’on sentait que, s’il n’avait souffert de son mal de dos, il aurait flanqué ce trublion de Pignon (Jacques Villeret) par la fenêtre. Cela ajoutait du piment à l’ensemble et renforçait les rires.

J’ai eu l’occasion de rencontrer plusieurs fois Claude Brasseur. Il n’est pas d’un abord facile mais ne pratique pas la langue de bois.

Il ne la pratique pas non plus dans ce livre, tant attendu. Brasseur a toujours refusé d’écrire ses Mémoires mais a accepté de se plier au jeu des questions-réponses. N’étant pas homme à se lancer dans des circonvolutions fumeuses, il préfère parler du vivant, du vécu. Un film, une pièce c’est un propos mais c’est avant tout une affaire d’hommes (pour reprendre le titre d’un de ses films)… ou de femmes ! Brasseur préfère donc raconter des anecdotes, des faits avérés. Il en a à foison et sait les mettre en valeur. Il en a même tellement que ce livre aurait facilement pu faire cent pages de plus, et rester tout aussi captivant.

Avec lui on passe d’une production à une autre, d’un fait méconnu à un autre. Bien entendu, son père n’est pas oublié. Le grand Pierre Brasseur capable de toutes les audaces car porteur de tous les talents. Son fils en parle avec chaleur sans être pour autant idolâtre. Pierre était bon acteur mais mauvais père, s’intéressant de loin en loin à sa progéniture. Quant à la mère (que Claude n’aime guère évoquer) il s’agit d’Odette Joyeux, comédienne et auteure qui coucha ses souvenirs dans Le Beau Monde (Albin Michel, 1978).

Donc, Claude parle de lui et des autres (dont son ami Belmondo), de son métier d’acteur et de son engouement pour le sport (il fut vainqueur du Paris-Dakar), de sa guerre en Algérie et de son fils Alexandre. On aimerait qu’il en dise plus, toujours plus.

La dernière partie, qui porte sur des considérations plus générales, présente moins d’intérêt. Non que l’opinion de Brasseur soit inintéressante mais il montre plus de pugnacité lorsqu’il rapporte du vécu. Car il a bonne mémoire et bon langage.

Il était temps qu’un livre lui soit consacré. Mais je sais qu’il y a encore beaucoup à dire sur M. Brasseur dont on finira bien par se rendre compte qu’il est un sacré foutument bon acteur !

Merci Claude.


Philippe Durant


Claude Brasseur (avec Jeff Domenech), Merci !, Flammarion, 258 pages, octobre 2014, 19,90 €

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1 commentaire

Un très grand monsieur effectivement: on peut le voir actuellement dans la colère du tigre avec Michel Aumont où il nous offre un savoureux Clemenceau et sauve une pièce qui manque un peu d'âme...