Luc Besson, l'homme qui voulait être aimé

Luc Besson : le volume


J’ai rencontré Luc Besson à plusieurs reprises – toujours dans le cadre de promotions de ses films – pour des conversations parfois assez longues. Je me souviens particulièrement de celles autour de The Lady qui dépassèrent la stricte durée d’un déjeuner. Il est vrai que Luc nourrit une certaine sympathie pour la presse régionale et évite, autant que faire se peut, la langue de bois.


J’ai entendu moult commentaires et anecdotes à son sujet du temps, pas si lointain, où je frayais dans les recoins de chez Gaumont.


Enfin, j’ai un vieil ami (cité dans ce livre) qui connait très bien Besson et, en diverses occasions, m’a parlé à la fois de son mode de fonctionnement et de ses méthodes de travail.


Ceci étant établi, je tiens à souligner que je nourris un certain respect pour ce monsieur. Non que je considère ces films comme des chefs d’œuvre (ses scénarios sont rarement plus épais que leur pitch de présentation) mais je lui reconnais une indéniable efficacité. D’autant qu’il a tout compris de la puissance du cinéma et a réussi à pénétrer en force le marché mondial, épreuve sur laquelle le cinéma français s’est cassé souvent la mâchoire depuis des lustres. En matière de polars, par exemple, notre 7ème art hexagonal lorgne les États-Unis depuis les années 70 (jusqu’à y expédier Jean-Louis Trintignant jouer à Los Angeles en compagnie d’Angie Dickinson et Roy Scheider). Quelques décennies plus tard, Luc Besson produit Taken (dont le premier opus est plutôt réjouissant) et met tout le monde à genoux. Il fallait le faire, il l’a fait !


Voilà pour le Besson « artiste » c’est-à-dire de plus en plus souvent producteur, parfois scénariste, plus épisodiquement réalisateur. Il insuffle des projets qui sont dans « l’air du temps » et répondent à une attente du public. Ce qui n’a rien de facile.


Et puis, bien sûr, il y a « l’autre » Besson. Celui qui contrôle son image de marque, sa propre promotion, celui qui affronte les critiques et bataille dans de nombreux procès. Celui qui parait prêt à tout pour arriver à ses fins, quitte à tordre le cou à des lois qui, à ses yeux, ont le tort de ne pas lui être favorables. C’est ce Besson-là que l’on retrouve dans cet ouvrage.


Il ne s’agit pas vraiment d’un livre de cinéma. Les films y sont rapidement évoqués et n’intéressent l’auteur que par leur aspect commercial. Il est vrai que Besson a raconté, via ses propres ouvrages, certains de ses tournages et qu’il n’est sans doute pas utile de faire de la redite.


Cette « biographie non autorisée » ressemble plutôt à un livre de cuisine. Plus précisément un livres de casseroles. Car Luc Besson en traîne quelques-unes derrière lui. Entre les « scandales » de la Cité du cinéma, de sa villa dans le Var, les accusations de plagiat et autres billevesées, la liste est relativement longue. Que l’auteur Geoffrey Le Guilcher prend un malin plaisir à dérouler.


J’écris « plaisir » intentionnellement car, à le lire, on se rend bien compte qu’il préfère narrer les coulisses financières, les plus ou moins grosses combines, que s’arrêter sur l’impact « artistique » des œuvres de M. Besson. Pour s’en rendre compte, il n’est qu’à lire des chapitres comme « Le ministre, l’ISF et le cinéaste » (24 pages), « Christophe Lambert, tour opérateur de la droite française » (12 pages), « La "Sarkokzy Connexion" enfance la Cité du Cinéma » (18 pages) qui tournent strictement autour des combines et du pognon… C’est précis, bourré de références, de documents inédits. L’auteur aime nous entraîner dans sa quête, nous narrer ses enquêtes comme s’il s’agissait de nouveaux Watergate. On sent qu’il biche. Oubliant au passage que Luc Besson est aussi un homme de cinéma. Certes Lucy (que je n’ai pas aimé !) rassemble des éléments pris dans une foultitude d’autres films, mais n’est-ce pas le cas de la plupart des productions actuelles ? Et cela ne saurait constituer un reproche si c’est assumé par l’auteur. Quand Tarantino « emprunte », on crie au génie ; quand Besson « prend », on crie au voleur !


Je ne tiens pas du tout à faire la défense de Luc Besson (il se défend très bien tout seul et dispose des meilleurs avocats sur la place de Paris dont un ancien ministre de la Justice !), je le jauge seulement en tant qu’historien du cinéma et non en tant qu’expert de la brigade financière.


Donc si l’on s’intéresse à ce dernier aspect, cette biographie - qui n’en est pas tout à fait une - est riche en enseignements. Par moments, elle résonne comme un document à charge, préférant faire parler l’accusation que la défense, mais c’est le jeu. Tout le système Besson se trouve mis à nu et c’est pas folichon à regarder.


Geoffrey Le Guilcher fournit un travail imparable (en apparence tout au moins), traquant le détail, renvoyant les menteurs dos à dos. Il nous entraîne non dans la coulisse mais dans la coulisse de la coulisse. Qui sent parfois le rance. Mon seul regret est qu’il ne semble pas aimer le cinéma autant qu’il aime les chiffres et les bons scénarios autant qu’il aime les mauvaises magouilles. Toutes les grandes fortunes « commerciales » se sont érigées dans la douleur avec des « cadavres » (parfois authentiques !) dans les placards. Luc Besson ne déroge pas à cette règle. Dommage.



Philippe Durant


 Geoffrey Le Guilcher, Luc Besson, l'homme qui voulait être aimé, janvier 2016 Flammarion, 318 pages, 19,90 €



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1 commentaire

Intéressant votre billet,merci,j'irai peut etre l'acheter.

NB:moi non plus Lucy ne m'a pas plu.
Besson est sur une mauvaise pente question films.
Il lui faut un bon scénario.