Il n'y a pas si longtemps, la Force s'est réveillée...

Aujourd’hui, 16 avril. Enfin la collection se complète d’un élément qui depuis quelques mois lui manque. L’étagère paraissait bien vide entre Noël dernier et ce matin. Au milieu de 12 angry men et Stardust et Indiana Jones et la dernière croisade, les six aînés attendaient leur petit frère. Dix ans séparent le plus pénultième DVD de son benjamin. Star Wars III, la Revanche des Siths, va devoir céder un peu de place au Réveil de la Force.

 

Voilà quelques années, le rachat de la mythique franchise de Lucasfilm par Disney avait fait couler de l’encre. Appréhension, espérance, tout était possible. Finalement l’épisode VII sorti pour la joie mais aussi, reconnaissons-le, la déception de certains. Mon avis sur ce film fut partagé durant quelques secondes lorsque l’écran s’éteignit dans la salle obscure. Un jour passa. Deux. Finalement le rêve du gosse repartant dans les étoiles, dégainant sabre-laser et blaster, les étoiles et les planètes de mille systèmes n’attendant que d’être découverts était de retour : je voulais vivre la suite, qu’importait les quelques légitimes critiques qu’il était possible de formuler à l’encontre de l’œuvre de J. J. Abrams.

 

J’ai découvert Star Wars petit. Un jour, j’ai grandi. J’ai fait de la physique. J’ai découvert que Georges Lucas n’avait strictement rien compris aux règles scientifiques régissant notre univers : les vaisseaux ne pouvaient faire de bruit dans l’espace où il n’y a que du vide, les sabres-laser ne peuvent exister, tout du moins en ressemblant à des épées, les voyages en hyperespace à la vitesse de la lumière doivent être bien plus longs, etc. Mais en fait, sur le coup, je n’en avais strictement rien à carrer. Rêver était bien plus important !

Mais voilà que six films, cela faisait un peu court. Les novellisations et autres livres de la saga vinrent donc au soutien de mes dures et longues journées d’enfance, éclairées à la timide bougie dans l’arbre au fond de la forêt jouxtant mon jardin et d’où je voyais défiler les carrosses emportant princesses et citrouilles vers des palais de marbre. Mes princesses venaient d’Aldérande et de Naboo. Mes chevaliers de Coruscant et de Tatooine. Mes palais étaient le temple Jedi. Le nez dans les étoiles, j’imaginais ce futur passé si proche et si lointain.

 

Le Grand Amiral Trawn fut peut-être le pilier de cette aventure littéraire. Un méchant. Un vrai méchant. Avec de belles motivations, un caractère fouillé, une aventure captivante. Le Jedi Fou et sa croisade furent à n’en pas douter mes éléments préférés de SF durant de longues années. Timothy Zahn avait réussi à transformer l’excellence de Star Wars en une chose magistral, qui le dépassait. Au point que même les tomes décevants de la collection écrit par certains auteurs n’avaient plus aucune importance.

Mais voilà que lorsque Disney a racheté les droits, la firme a décidé de ne pas « reconduire » cet univers étendu. Les ouvrages furent savamment rangés dans des catégories « canoniques » et « légendes » visant à faire plaisir aux afficionados. Mais ce rangement n’avait pour objectif que de reléguer au placard les histoires « paralysant » les scénaristes s’attablant à cette nouvelle trilogie et aux spins off associés.

Or l’épisode VII est sorti au cinéma. Maintenant en DVD. S’il est génial, son scénario n’atteint pas l’excellence de La Croisade du Jedi Fou. Mais un film contre un livre, le combat est inégal. Alors lorsque la novellisation du Réveil de la Force est venue rejoindre ma bibliothèque, je ne pouvais que lui laisser une chance de faire ses preuves.

 


Dans son ouvrage sur l’écriture, Comme par magie, Terry Brooks raconte son aventure, comment il s’est retrouvé à écrire la novellisation de l’épisode I, la Menace fantôme. Épisode pour le moins réussi, complétant avec brio le film. Ici, Alan Dean Foster passa probablement par les mêmes étapes. Et surtout il s’est, à n’en pas douter, posé une question. La seule question qui compte dans une novellisation : que va bien pouvoir apporter ce livre au film.

Quelques scènes supplémentaires, nécessaires à l’adaptation d’un film en livre. Si l’ouvrage n’avait que fait décrire les scènes cinématographiques, ce ne serait plus ou moins qu’un scénario retravaillé. Utile mais sans plus, bis repetita ne placent pas toujours.

 

L’apport le plus essentiel est sur le point de vue. Le lecteur, avec l’auteur, quitte la narration « extérieur » qu’impose le film. Il accompagne les personnages dans leurs pensées, leurs analyses, leurs espérances. Et là, le récit prend une ampleur incroyable. Certains des défauts du 7ème art se retrouve gommées. Les personnages apparaissent moins stéréotypés. Ils ne sont plus forcément une caricature d’eux-mêmes.

Cependant, force est d’avouer que la médaille a son revers. Deux en réalité. Un Han Solo avec une prescience surprenante et presque désagréable. Les pensées qui accompagnent le regard qu’il porte sur Chewi ne sont pas crédibles, comme si l’auteur voulait nous donner une émotion forcée, nous arracher une larme… Mais qui plus est, les droïdes se trouvent animés d’une conscience. Un travers régulier de pratiquement tous les auteurs de la série : un droïde ne pense pas normalement, il applique des programmes. Cela fait effectivement moins rêver et, si C-3PO et R2-D2 n’étaient pas eux-mêmes dans les films, cela retirerait au charme de ces chefs-d’œuvre. Néanmoins, dans le livre, cela devient quelque peu gênant : cette vision « robot/conscience » doit être conservée pour les cyborgs, les mélanges humains-robots. Et il y en a dans Star Wars, souvenez-vous, dans l’épisode V, l’Empire contre-attaque, dans la Cité des Nuages.

Nous passerons par contre sous silence l’idée de la « meute de droïdes » se transmettant un message en soutien à la Résistance, tel les chiens de Londres dans les 101 dalmatiens

 


Mis à part ces quelques points, le Réveil de la Force est très bien écrit et se lit sans accro. Un soutien bienvenu au film, que nous conseillons, pour voyager encore et toujours dans les étoiles et se remémorer cette phrase légendaire :

 

Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine…

 

 

Pierre Chaffard-Luçon


Lire aussi l'interview de Stéphane Desa, directeur de collection d'Outre Fleuve.


Alan Dean Foster, Star Wars VII : le Réveil de la Force, Fleuve éditions, coll. Outre fleuve, 14 avril 2016, 351 p. – 17,90 €.

Aucun commentaire pour ce contenu.