Emmanuelle Bayamack-Tam, Si tout n'a pas péri avec mon innocence

J'avais adoré ce livre, paru en janvier 2013, désormais disponible au format poche ; alors plutôt que de me répéter : spéciale (re)lecture.


Tout commence dans le bruit et la fureur dès la première page de : il y aurait donc encore un soldat Ryan à sauver ?

Certainement, et ce sera dans le sang et les humeurs que l'auteur nous signifiera d'emblée que rien n'est simple, ici, dans ce calme monde d'ici-bas, de la naissance à la mort, gratuité oubliée dans le combat pour la survie, quoiqu'il advienne, même une tare de naissance, ou comme ici, une fente labio-palatine, déformation plus connue sous l'appellation de bec de lièvre.


Voilà donc la mère de la narratrice qui vient à nous dans le plus simple appareil et affublée d'une mauvaise étoile, mais l'on devine déjà qu'elle ne s'en laissera pas compter... Et c'est donc avec un humour décalé que Emmanuelle Bayamack-Tam capturera le lecteur dès la première page et comme rien ne vaut une bonne mise en scène, on se laissera convaincre de monter le son et de lire la suite en compagnie de Nancy Sinatra et de son célèbre "Bang Bang" qui ouvrit aussi le premier volet du Kill Bill de Tarantino (remarquable bande son qui mérita bien un article en son temps) qui n'est pas sans rapport étant donné, qu'ici aussi, on nage en plein carnage... 


Une fois l'affront partiellement reconstruit, Gladys va apprendre à survivre en milieu hostile et même parvenir à épouser un bel homme, preuve que "les beaux, qui n'ont rien à se prouver en matière de beauté, peuvent se permettre d'aimer et d'épouser les laides". Demi-vérité que Kimberly, sa fille, la narratrice qui arbore une coupe à la garçonne car "ça ne l'intéresse pas d'avoir des cheveux", comprend vite car son géniteur est de petite taille et n'a jamais réellement "fait le malin sur le marché des amants". Les deux se sont alors accommodés de leurs défauts respectifs pour clamer haut leur insouciance au point de l'ériger en égoïsme princier, sélectionnant au sein de la fratrie (trois filles et deux garçons) celle ou celui qui, au détriment des autres, aura droit à toutes les attentions...


Kim porte un regard cinglant de lucidité sur ces adultes qui l'ignorent, trop occupés à leur seul bien-être, et qui ne pourront donc jamais la délivrer des autres adultes... Aucune aide à chercher non plus chez les aïeux: une grand-mère nostalgique de son Algérie natale qui s'enferme de plus en plus dans sa forêt imaginaire et un grand-père qui les "enterra tous, vu que pour augmenter l'espérance de vie, on n'a encore rien trouvé de mieux que la vanité". Alors que reste-t-il quand tout s'écroule? La poésie! Baudelaire, "le seul Charles qui vaille" va l'aider à tenir puis à trouver sa voie, à défaut de donner un sens à une vie dont le cynisme lui saute déjà aux yeux et la cruauté, qui ne va pas tarder à la mordre au cœur, sera à jamais présente...


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François Xavier


PS - Ce livre a reçu le Prix Alexandre-Vialatte 2013 & le Prix du roman Ouest-France Étonnants Voyageurs 2013


Emmanuelle Bayamack-Tam, Si tout n'a pas péri avec mon innocence, Folio, septembre 2014, 384 p. - 7,40 €


Première publication : P.O.L, janvier 2013, 444 p. - 19,50 €

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