François Rabelais (1483-1553), prêtre et médecin, précurseur du roman réaliste et satirique. Biographie de François Rabelais.

François Rabelais : Biographie

Biographie synthétique de François Rabelais (1483-1553). Prêtre catholique évangélique, médecin et écrivain humaniste de la Renaissance, l’œuvre de Rabelais relève à la fois du conte, de la parodie héroï-comique, de l'épopée et du roman de chevalerie. Elle préfigure l’une des premières formes du roman moderne.



 

Les écrivains moralistes les plus remarquables du XVe siècle furent Rabelais, Amyot, Montaigne et Calvin.

 

Vie de Rabelais

 

Rabelais naquit en Touraine, dans la petite ville de Chinon, vers 1483. Son père était aubergiste, et possédait une petite fortune ; les propos et les exemptes du cabaret influèrent d’une manière fâcheuse sur l’esprit et le caractère de l’enfant. Quoiqu’il n’eût aucun goût pour l’état ecclésiastique, il fut destiné à la prêtrise. Son éducation terminée, il entra dans un couvent de Cordeliers ; c’est là qu’il commença des études sérieuses ; il laissa aux autres moines le souci des pratiques religieuses, pour se donner tout entier à la science ; seul dans son étroite cellule, sans autre secours que les livres de son couvent, il parvint à amasser un savoir prodigieux ; il se perfectionna surtout dans la langue grecque et approfondit toute la littérature ancienne. Son ardeur au travail contrastait avec la paresse de ses compagnons de cloîtres, qui étaient l’objet de ses railleries et de son profond mépris. Il alla un jour jusqu’à s’affubler d’un costume de saint François et se mit dans l’église à la place de la statue du saint, pour faire croire au miracle les bonnes gens qui viendraient s’agenouiller devant lui. Cette impiété lui coûta cher, car on le fit descendre de sa niche, on le fouetta jusqu’au sang et il fut mis au pain et à l’eau dans les prisons du monastère pour le reste de ses jours. Il en sortit, grâce à l’intervention de quelques amis ; de là, il entra dans l’ordre de saint Benoît. Bientôt il s’évada, et devint secrétaire de l’évêque de Maillezais, qui avait été son compagnon d’études.

 

C’est alors qu’il fut mis en rapport avec plusieurs hommes distingués : Clément Marot, Calvin et le savant Budé. Mais ces relations ayant failli lui attirer les rigueurs du clergé, Rabelais jugea prudent de fuir le danger, et à l’âge de quarante-deux ans, il alla à Montpellier pour y étudier la médecine.

 

Il ne tarda pas à être reçu docteur et à se faire une telle réputation de savoir et d’esprit qu’il fut choisi par la Faculté de Montpellier pour venir réclamer à Paris, auprès du chancelier Duprat, le rétablissement de certains privilèges universitaires. N’ayant pas été reçu. Rabelais imagina de s’affubler un matin d’un costume grotesque et se mit à se promener magistralement sous les fenêtres du chancelier. Il se présenta au portier, à qui il parla latin. Le portier, fort en peine, fit appeler le secrétaire du chancelier ; Rabelais lui parla grec ; il continua ainsi, répondant successivement aux messagers en espagnol, en italien, en allemand, en anglais, en hébreu, tant qu’enfin le chancelier donna ordre d’introduire cet étrange personnage qui fit alors sa requête en bon français, et obtint le rétablissement des privilèges universitaires.

 

À peine reçu docteur. Rabelais alla s’établir à Lyon, pour y exercer la médecine. C’est là qu’il publia l’Histoire du grand Gargantua. Quoique ce livre ne fut qu’une ébauche de celui qu’il publia plus tard, il en fut plus vendu en deux mois, dit-il, que de Bibles en neuf ans. Encouragé par ce succès, il publia l’année suivante, Pantagruel. Ce livre eut une telle vogue, qu’on en fit trois éditions en un an.

 

Le cardinal Du Bellay, évêque de Paris, vit Rabelais à Lyon et lui offrit de l’emmener avec lui à Rome, où il allait comme ambassadeur. Rabelais accepta et partit en qualité de médecin et de secrétaire du cardinal. Là, il se permit, dit-on, devant le Saint-Père, une parole très irrévérencieuse ; effrayé aussitôt d’avoir parlé si légèrement, il sort, saute sur un cheval et le lance au galop, malgré un orage terrible qui venait d’éclater avec des torrents de pluie ; comme on lui criait de s’arrêter : « J’aime mieux être mouillé que brûlé », répondit-il. On parvint néanmoins à le rassurer et il fut ramené à Rome où Clément VII lui pardonna.

 

Après six mois de séjour, Rabelais fut rappelé en France pour porter au roi quelque communication secrète de l’ambassade. En passant par Lyon, il fut forcé de s’arrêter dans une hôtellerie, faute d’argent pour continuer sa route. Pendant un quart d’heure, il fut fort embarrassé ; cet embarras est passé en proverbe sous le nom de quart d’heure de Rabelais ; tout à coup il imagine le plus imprudent stratagème ; il fait écrire par un enfant des étiquettes portant ces mots : Poison pour faire mourir le roi… Poisson pour faire mourir la reine, et il les attache à de petits sachets remplis d’une poudre inoffensive ; bientôt les magistrats en sont informés ; on se saisit du prétendu empoisonneur, on l’enferme dans une litière, et on l’emmène sous bonne escorte à Paris, sans qu’il lui on coûtât rien. Il arrive ainsi devant François Ier, raconte sa ruse, en donne la preuve en avalant le prétendu poison ; le roi rit beaucoup de l’aventure.

 

Sous Henri II, il se fit nommer curé de Meudon, au grand scandale des dévots. Il mourut deux ans après, à l’âge de soixante-dix ans. Ses derniers moments ont été racontés de différentes manières. Suivant les uns, il aurait eu une mort édifiante ; suivant d’autres, au contraire, il serait mort en impie. Avant de rendre l’âme, il recueillit ses forces pour s’écrier avec un éclat de rire : « Tirez le rideau, la farce est jouée. »

 

Le chef-d’œuvre de Rabelais est le roman intitulé Gargantua. Sous des apparences folles et bouffonnes, ce roman cache un but profond, que Rabelais nous invite à découvrir dans la préface même de l’ouvrage. Il conseille à son lecteur d’imiter le chien, « la bête du monde la plus philosophe, dit-il ; le chien ne dédaigne pas l’os qu’on lui jette : il le garde, il l’entame, il le brise, il le suce. Pourquoi ? Quel bien prétend-il ? Rien de plus qu’un peu de moelle. Prenez exemple sur le chien. En ouvrant un livre, qui en apparence est grossier, cherchez-y la substance et la doctrine. »

 

Ce livre est en effet la satire mordante du moyen âge. Rabelais a passé en revue la société tout entière : la royauté, la magistrature, le clergé, les cloitres, la juridiction des baillis, celle des sénéchaux, du haut parlement, tout cela vient figurer dans son poème, et lorsqu’il entreprend avec Panurge cette longue odyssée, ce voyage à travers des terres inconnues, le pays qu’il découvre est une terre allégorique et satirique, qui représente quelque canton de la société contemporaine : voilà le sens véritable, le sens profond de l’œuvre. Les géants du poème représentent les rois et les seigneurs de l’époque, qui, semblables à Gargantua, épuisent à eux seuls tous les revenus de leurs provinces.

 

Ce n’est pas sans raison que Rabelais employa l’allégorie : cette forme lui permettait de dire la vérité sans encourir le danger d’être brûlé vif. Néanmoins, malgré toutes ces précautions, les allusions furent parfois si transparentes qu’il jugea prudent de fuir. Son livre fut condamné par le Parlement.

 

On regrette que la forme de cet ouvrage en rende la lecture impossible. Rabelais semble affectionner les expressions les plus ordurières, les images les plus obscènes. Sous ces déplorables grossièretés de langage, on trouve un trésor de bon sens, de jugement, de profondeur de pensée, de verve originale. Boileau a dit de cet ouvrage : « C’est la raison déguisée en masque », et La Bruyère : « Là où Rabelais est bon, il satisfait les goûts les plus délicats, là où il est mauvais, il tombe dans la plus grossière indécence. »


 

[Source : Daniel Bonnefon, Les Écrivains célèbres de la France, Librairie Fischbacher, 1895]


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