Frédéric Mars et le Manuel du serial Killer : D’une efficacité redoutable !


Peu de genres sont étrangers à Frédéric Mars qui alterne, avec autant de bonheur et de talent, littérature sentimentale, roman historique, humour, essai ou thriller psychologique…. Dernière production en date, le Manuel du serial killer. Dexter a enfin trouvé son maître…

 

— D'où vous est venue l'idée de ce "Manuel du serial killer" ?

Sait-on jamais d'où vient l'idée d'un livre ? Disons que j'avais envie de m'emparer à mon tour de ce mythe moderne qu'est le serial killer. D'une manière générale, plus un sujet, un thème ou un personnage est énorme, et par ailleurs éculé, plus cela me donne l'envie de lui tordre le cou à mon tour, et à ma façon. C'est ainsi que j'ai déjà écrit sur Jésus (Le Sang du Christ), John Lennon (Lennon Paradise), le 11 septembre (Non Stop), la mort imminente (L'amour est une femme) et même l'amour impossible par excellence (Son parfum). C'est extrêmement présomptueux, mais aussi très excitant. Et j'ai besoin de cette adrénaline-là pour mener un projet à terme.

 

— Vous êtes-vous beaucoup documenté ? À quelles sources ?

Oui, j'ai eu à me documenter principalement sur deux aspects : la psychologie des serial killers, et la manière dont la plupart d'entre eux "jouent" avec leur propre démence, et parviennent à la légitimer à leurs propres yeux par tout un système de "paravents" psychologiques. Par ailleurs, j'ai effectué des recherches plus historiques sur l'un des tous premiers serial killers recensés dans l'histoire américaine, Jesse Pomeroy, qui a tué plusieurs enfants en bas âge alors qu'il n'avait lui-même que 14 ans. Cela se passait autour des années 1870, mais a durablement marqué l'histoire criminelle américaine.

Enfin, comme je le fais toujours lorsque je situe mon action dans un pays autre que le nôtre, je suis allé sur place, à Boston et Harvard, pour m'imprégner de l'atmosphère particulière de ces lieux qui portent les traces les plus anciennes de l'histoire américaine. C'est notamment depuis Cambridge, là où se situe aujourd'hui Harvard, qu'est partie l'armée du général Washington, qui a lancé la guerre d'indépendance.

 

— Pourquoi avoir choisi une structure narrative en abyme (le livre dans le livre) ?

Parce que cela me semblait bien correspondre justement à ce jeu d'écrans dont j'ai parlé précédemment et auquel les tueurs en série ont recours pour se "raconter des histoires" à eux-mêmes, légitimer à leurs yeux leur propre monstruosité. Ainsi, quand la vérité semble leur sauter au visage pour leur dire qui ils sont véritablement, quelles atrocités ils perpètrent, il reste toujours un bouclier fictif pour les protéger de leur image réelle.

 

— L'entreprise était ambitieuse : à quelles difficultés vous êtes-vous heurté ? Ou peut-être l'avez-vous écrit d'une traite...?

J'ai commencé par écrire le corps du texte, qui est une sorte de journal de Tom, rédigé à la première personne, puis les extraits du Manuel, et enfin l'ensemble des explications psychologiques, y compris les séances avec le psy et la toute fin, qui éclaire l'ensemble du récit d'une lumière nouvelle. L'autre difficulté, ça a été de rendre peu à peu "sympathique" un personnage qui a par nature (y compris physique) tout contre lui. Tout en ménageant ce flou indispensable autour de sa vraie nature, de son passé, et de ses motivations. Il fallait donc que je fasse avancer mon lecteur dans le brouillard, sans pour autant le perdre en cours de route.

 

— Dans quel genre vous sentez-vous le plus à l'aise : le triller sentimental, le thriller, le roman historique, le livre d'humour ?

Dans aucun en particulier, donc d'une certaine manière dans tous. En réalité, je me sens à l'aise dans le genre qui correspond au sujet qui m'habite et me motive à un moment donné. Cela varie donc autant que les sujets qui me passent par la tête ! Dès que je suis bien parti dans l'écriture, les références s'estompent et les complexes tombent : je suis dans MON genre, puisque j'écris un livre qui lui appartient. Et ainsi de suite, dès que je me lance dans une entreprise différente.

 

— En règle générale, où puisez-vous vos sources d'inspiration ? L'actualité, la vie quotidienne...?

Je pars souvent d'un fait divers ou d'un élément d'actualité en effet, que je confronte souvent à un postulat plus théorique, plus conceptuel ("Et si un tueur en série…"). De ce mélange nait peu à peu une structure dramatique, que je nourris de quotidien, d'éléments glanés autour de moi et qui me semblent faire sens par rapport à cette colonne vertébrale du récit.

 

— Quel serait le livre impossible que vous souhaiteriez écrire ?

Le livre qui s'écrirait au fur et à mesure de sa lecture… Ce qui est impossible bien sûr ! Mais de cette impossibilité, j'ai déjà fait un autre ouvrage, Le livre qui rend dingue (disponible uniquement au format numérique), car je n'aime rien tant que me confronter à ces limites-là.

 

— Sur quoi d'autre travaillez-vous actuellement ?

Sur une trilogie à suspense, mais dont je ne peux pas encore vous parler… sous peine de me faire tordre le cou par mon agent !

 

Propos recueillis par Joseph Vebret (avril 2013)

©  Photo : Édouard Chauvin

 

Frédéric Mars, Le Manuel du serial killer, Hachette/Black moon, mars 2013, 460 pages, 18 €

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