Entrevoir, la poésie de Paul de Roux en mots simples

Qui a dit que la poésie devait être incompréhensible pour être digne d’intérêt ? Employer un mot pour un autre systématiquement, rendre opaque la lecture sous prétexte que la force de l’allégorie doit imposer une autre lecture ? Pas seulement, fort heureusement, pas nécessairement, il existe aussi des poètes aux mots simples qui parviennent à extraire en quelques phrases le suc premier de l’émotion. Rendre vibrant la description d’un paysage, d’une promenade au bord de l’eau, d’un grain de poussière, de l’envol d’un oiseau… C’est toute la force de Paul de Roux : au premier abord on se dit que c’est de la poésie facile, pour les enfants, insipide, fade mais quelques lignes suffisent pour vous enchanter, vous aspirez dans le cortex musical du poème.

 

Paul de Roux est né à Nîmes en 1937. Il débute à petits pas son œuvre en fondant La Traverse, une revue de création littéraire (1969) avec Pierre Leyris, Bernard Noël, Georges Perros et Henri Thomas. L’aventure prend fin en 1974 et le temps file. Il faudra attendre 1980 pour que Entrevoir soit publié. Il a quarante-trois ans. Sa poésie du quotidien s’impose d’emblée, sa maîtrise du vers libre déplie sa voix dans une langue dépouillée et lumineuse.

 

PIERRE-ALBERT

 

Si mêlé aux plantes dans le souvenir

que froissant la menthe ou le thym

c’est à lui que je pense,

lui se nourrissant de ce paysage

– il semblait que le Ventoux

soit venu de Chine se poser entre les vignes

et les oliviers, derrière sa maison,

pour qu’il soit de plain-pied avec calligraphes

et vieux peintres, lui-même

petite silhouette sur le sentier

donnant l’échelle et qui s’éloigne.

 

Secret, alors, Paul de Roux ? À lire la préface de Guy Goffette, certainement, homme discret habitant sa poésie au cœur de sa forêt personnelle, droit dans l’œil du cyclone de cette tempête intérieure qui souffle sans cesse s’évertuant à tenter de le faire plier. Mais le poète demeure droit, parfois en retrait dans son ombre, "loin de nous, comme elle le retenait hier encore assis à sa table ou le front contre la vitre, brûlant d’épouser dans un trait de lumière l’oiseau au bord du vide ou de l’envol."

 

Si le mode est mineur, la poésie de Paul de Roux est essentielle car c’est un hymne à la beauté du monde, celle que plus personne ne remarque, n’entend, ne perçoit : un sifflement d’oiseau sur le chemin du bureau, un reflet dans la vitre d’une vitrine, un nuage coquin qui dessine le ciel, un sourire dans le métro… Paul de Roux y est sensible, lui, et il nous restitue toute cette splendeur sacrifiée dans un chant fragile, car notre poète est têtu et il sait qu’il avance en terrain miné mais qu’il a raison de le faire : il veut être le veilleur de la nuit des hommes, tout affamé de lumière et de dépassement. "Sa poésie, contemplative et sensuelle à la fois, déploie, en des vers libérés de toute contrainte, dans une langue simple, dépouillée d’artifices, d’images intempestives et d’envolées lyriques, une célébration de la vie donnée ici et maintenant."

 

Poète d’exception, Paul de Roux s’est fait discret au point de s’effacer derrière son œuvre, persuadé, dit-il, que le poète n’existe pas, car c’est avant tout la poésie qui vous tient par la main le temps d’un poème… Alors, prenez le temps d’ouvrir ce recueil, et laissez-vous glisser sur le sentier du réel et sachez apprécier la beauté du détail.

 

J’aimerai cette pauvre lumière

qui est sur vous, mes murs.

Cette pauvre lumière que vous me tendez

je m’en contenterai, oui, je la célèbrerai.

 

François Xavier

 

Paul de Roux, Entrevoir suivi de Le front contre la vitre et de La halte obscure, préface de Guy Goffette, Poésie/Gallimard n°488, janvier 2014, 384 p. – 9,50 €

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