Se draper dans Un manteau de fortune avec Guy Goffette, et continuer d’y croire

Parce qu'un poète, c'est toujours un pays qui marche, dressé comme une forêt, et traînant dans sa langue une terre d'exil, un paradis d'échos, Guy Goffette s’en est allé de sa Belgique natale faire le tour d’Europe avant de revenir (provisoirement ?) à Paris, camp de base pour d’autres périples épistolaires, narratifs, rêvés, lui qui sait combien le bruit de nos pas à la place du cœur / est peu de choses : des mots sur du papier / qui ne disent plus rien sinon qu’ils furent / écrits, lus et relus, mais que nous reste-t-il d’autre pour éviter de sombrer dans la folie du monde contemporain ? Sommes-nous tous devenus fous, aveugles et sans conscience ? La terre d’Utopie de notre enfance, les désirs de refaire le monde de notre adolescence volatilisés par la suffisance et le cynisme du libéralisme, religion à laquelle nous devrions faire allégeance quand la poésie s’offre à nous comme l’ultime refuge. Alors, oui, lisons, ne lisons que de la poésie pour laver, nourrir et jouir de notre esprit libertaire et non pas comme un aveugle dansant dans l’incendie.

 

Mais quels sont ces signes que le vent peut encore / tourner, frêles cygnes sur un lac / qui voudrait voir la mer, et s’agite en nous (em)portant comme fétus de paille soulevés par la bise du poème ? Le talent, à n’en pas douter, d’un drôle de bonhomme qui a su demeurer debout sous le fouet des regards à l’image de celle qui ose jouir de son corps  sur des soleils couchants / ce corps fait pour l’amour et qui coule / lentement sous le fard et les larmes. Sortie de secours que l’amour physique, ce plaisir dénoncé par tous ces dogmes imbéciles qui refusent à l’Homme de jouir du sel même qui le façonne, car quel plus beau réveil que le vertige de naître entre les seins d’une femme quand tout est dit / que le vin est tiré qu’on l’a bu jusqu’à l’oubli

 

Alors, ami lecteur, il est l’heure d’aller à l’essentiel car le sablier jamais ne s’arrête. Or demeure le vers de Guy Goffette qui parvient à dérégler votre petit métronome pour vous inciter à combler le vide des atomes et célébrer la beauté du monde. 

 

François Xavier

 

Guy Goffette, Un manteau de fortune suivi de L’adieu aux lisières et de Tombeau du Capricorne, préface de Jacques Réda, Poésie/Gallimard, 304 p. – janvier 2014, 7,00 €

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