Leïla Slimani, l'amour vs l'addiction à la chair

Dans le jardin de l'ogre
est le premier roman de Leïla Slimani.
La jeune femme est maghrébine, elle écrit sous son vrai patronyme, sans aucun voile, cette précision est importante vu la teneur du livre.
 Ce texte est remarquable par sa liberté de ton, il faut certainement que Leïla Slimani soit très libre dans sa tête pour oser raconter cette histoire de femme mariée et mère de famille, soumise à ses pulsions sexuelles maladives.
 Il y a certes quelque chose de Belle de Jour dans ce roman mais l'auteure explore plus profondément l'addiction et la folie, en les confrontant à.... l'aliénation aux conventions.
En exergue, Leïla Slimani cite Kundera : [....C'est la voix du vide au-dessous de nous qui nous attire et nous envoûte, le désir de chute dont nous nous défendons ensuite avec effroi..]

Le tour de force de la jeune romancière est de mener son intrigue au tempo de l'addiction et de ses symptômes, celui du manque, du désespoir de la honte, de la frénésie, de la douleur et de la joie.  Le désordre  ordonné par la pulsion monstrueuse. Cette montagne russe est parfaitement maîtrisée par Leïla Slimani qui nous offre en prime un  douloureuse et belle histoire d'amour. 
 
Adèle, l'héroïne vit une vie bourgeoise, travaille dans un journal, son mari est chirurgien, il ignore tout de sa double vie. Les jours défilent, uniformes et dénués de  sens. De la maison qu'ils vont désormais habiter, Adèle pense : [...C'est une maison pour vieillir..une arche, un dispensaire, un refuge, un sarcophage ..Est-il l'heure de mourir ?] . Le couple fonctionne sans passion. Rien du reste ne passionne la jeune femme, pas même son job de journaliste, ni  son fils qu'elle aime pourtant ;  elle traverse son existence comme une automate. 
Ce n'est pas l'ennui  marital qui la pousse à coucher à droite et à gauche. C'est plus lointain, plus fort, plus terrible,  un vertige, une urgence à baiser, n'importe qui, des inconnus, des prostitués, qu'ils soient beaux ou laids peu importe, il faut juste qu'il la remplissent vite, de préférence sans parler, qu'ils  prennent possession de son corps,  y déversent leur sperme. Depuis toute petite, elle voulait qu'on la regarde, qu'on la désire, peut-être pour être sûre d'exister. Elle ne cherche pas le plaisir mais le désir des hommes [...Ce n'était pas à la chair qu'elle aspirait mais à la situation. Etre prise. Observer le masque des hommes qui jouissent. Se remplir. Goûter une salive. ...Regarder partir un homme, ses ongles maculés de sang et de sperme...] p.126. Les fluides déversés comme des témoins de sa vie qui s'écoule. Vous aurez compris qu'Adèle ne jouit pas de sa vie de débauche.

Un jour certainement bénit, le mari découvre la vérité sur son épouse. C'est le fracas de sa vie. La haine déclenche des envies meurtrières. Et puis, la puissance de l'amour veut faire son oeuvre. 
L'essayiste Michela Marzano dit de l'amour qu'il ne commence qu'après la perfection. Lorsque l'ordre se brise et que l'on comprend qu'il faut repartir du désordre.
Leïla Slimani ne dit pas autre chose dans l'épilogue de ce touchant roman.

Anne Bert 

Leïla Slimani, Dans le jardin de l'ogre, Gallimard, 28 août 2014, 214 pages,  17,50 euros.



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3 commentaires

 Joli coup marketing ! Un coup à double détente même qui devrait permettre de toucher les marchés français (et plus largement européens) ET marocain (et plus largement arabo-musulmans)... ! Si j'ai bien compris, le livre (je ne l'ai pas lu, mais pourquoi pas un jour...) évoque la vie d'une femme addict au sexe. Loin d'être une DSK au féminin (qui lui, manifestement, s'éclate sexuellement...), l'héroïne ne tire aucune satisfaction de ses coïts à répétition. Euh... et cette héroïne, elle est arabe comme l'auteur? Mais non, vous n'y pensez pas, le livre ne se vendrait pas dans les pays arabes sinon (mais disons officiellement que c'est pour faire plus "universel"...).

   La fille s'appelle donc Adèle, c'est une bonne Française. Et la lectrice arabe du Maroc et d'ailleurs, comment elle va réagir? Et bien, d'abord, elle va éprouver un petit plaisir transgressif au récit des turpitudes de l'héroïne, et puis son surmoi musulman lui fera penser que, décidément, la liberté sexuelle produit de la tristesse et du mal être chez ces femmes occidentales... Et elle refermera le livre en se disant satisfaite que, finalement, elle n'est pas si mal chez elle. Et en France? En France, plus aucun best seller en roman ne s'écrit qui ne raconte sous une forme déguisée la vie de l'auteur... Donc, ici, cette Adèle sera forcément perçue avec les traits de Leïla Slimani (qui doit avoir comme de juste sa photo en 4ème de couv.), cad ceux d'une arabe musulmane... C'est ce qui devra/devrait rendre le récit excitant aux yeux du lecteur, un peu blasé des histoires de cul franco-françaises... 
Bravo M. Laclavetine, chapeau l'artiste!

Un roman où la perversion des moeurs est le personnage principale.Pour une arabe,on le comprend chaque jour un peu mieux,il n'y a rien de plus efficace pour se faire une place en France ,surtout ,que de s'essayer à la littérature pervertie.Adèle,à force de s'offrir à n'importe qui et à n'importe quel moment , banalise l'adultère et sombre dans le vide qui ne la rendra ni elle-même ni à sa famille .

Si l'auteure croit que l'émancipation de la femme arabe doit emprunter le même chemin ,elle a passe à côté et ne suggère pas le meilleur exemple aux femmes de son  pays d'origine dont elle rejette,à tort,  la culture puisqu'en France,elle ne sera jamais assez française et ,au,Maroc,si elle persiste,plus suffisamment marocaine.

Quel misère que cette décadence d'une littérature qui ne vise qu'à pervertir.

 

L'auteure nous dit avoir voulu montrer qu'il y a une histoire d'amour  dans son roman .Il s'agit ,de toute évidence, d'une    conception de l'amour peu connue pour ne pas dire risible.Elle voudrait apparenter les retrouvailles du couple après l'accident du mari à de l'amour?N'est-ce pas là la création  qui échappe à sa créatrice ,une créatrice qui,plutôt ne semble pas  savoir ce qu'elle a voulu créer .D'ailleurs,c' est plus évident avec la disparition subite de l'épouse qui avait cru à une possible survie du couple.De quelle histoire d'amour peut nous parler l'auteure alors?L'angoisse de la solitude du mari fragilisé par son accident et qui souhaite que la femme revienne ,n'est pas de l'amour bon sang.Mais qu'est-ce que cette jeune marocaine voulait dans son roman à la fin?Ce qu'elle affirme avant de clore  la présentation  de l’œuvre ,dans la vidéo, ne résiste pas à l'analyse.

Non ,on ne peut pas aimer une personne en dépit de sa "folie" et une oeuvre d'art ne peut réussir en partant d'une idée fausse .

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