Fabienne Jacob confirme qu’il n’y a pas d’âge pour être heureux
On s’étonnera donc de ne pas la voir retenue dans le
moindre prix, quand, une fois encore, une fois de trop, des livres totalement
convenus y figurent : L’ordinateur du paradis de Benoît Duteurtre sur lequel je me suis endormi tant l’ennui m’assomma dans
ce roman sans âme, convenu, insipide, inutile (mais Gallimard aime bien publier
les descendants, Duteurtre l’arrière petit-fils de René Coty est tout
aussi irritant qu’Anne Wiazemsky, la petite-fille de François Mauriac), ou L’Oubli,
de F.A. Finkelstein (qui est « un assez mauvais livre » d’après David
Caviglioli du NouvelObs) qui démontre qu’il peut donc être mal écrit et mal
construit mais que s’il aborde encore et toujours ce sujet poisseux, gluant,
qui n’apporte désormais plus rien qu’un simple commentaire – encore un ! –
il sera célébré quand, justement, parce que notre monde est tel qu’il est,
ouvrir un livre doit emporter le lecteur vers un feu d’artifice et le retourner.
Se plonger dans un livre doit offrir d’autres images, sons, délices que ces
cauchemars sans cesse ressassés qui, désormais, sont monnaie courante puisque
les barbares se sont invités jusqu’en nos foyers par le biais du numérique.
Oui, pourquoi les jurés n’osent-ils pas renvoyer à leurs études les descendants illégitimes, les gamines névrosées et autres tricheurs pour saluer les authentiques écrivains ?
Robert Alexis aussi demeure dans l’ombre quand il devrait être aux avant-postes avec tant d’autres oubliés…
Fabienne Jacob publie son cinquième roman, petite perle esseulée dans la noirceur quotidienne qui brille sous la conque de la mémoire. C’est un jeu de miroirs porté par une langue poétique, musicale, enfantine parfois, sérieuse au détour d’un paragraphe, mais toujours légère comme les petits moments câlins de l’existence que l’on conserve précieusement dans un recoin de son âme, pour les jours de froid, de solitude, de vieillesse…
Sachant admirer l’entour et continuer à rêver, Fabienne Jacob nous entraîne avec elle dans le tourbillon de son enfance avec Else, dix ans, espiègle copine, sauvageonne du village avec qui elle partira à l’aventure dans les champs, quand à cheval sur une mob, le monde s’ouvre alors. S’en suivront les rencontres adultérines à l’hôtel, « dans la clairière de l’être » où les amants reconstruiront le monde, et un voyage aux États-Unis dans une réserve animale : « Cette scène est presque un cliché, tant il ne manque rien, aucun ingrédient, le sapin, l’arbre qui porte en lui le plus fort potentiel d’inquiétude de la création, la pénombre qui va crescendo, le silence qui ne bruisse de rien d’autre que ma propre peur et enfin l’absence supposée totale du moindre congénère à des dizaines de lieues à la ronde. Cette scène ou quasi la même, je l’ai vue dans cent films américains, depuis toutes ces années je n’en ai oublié aucun. À présent ils me reviennent tous en mémoire, l’Amérique est douée pour faire des films qu’on n’oublie pas et qui refluent au moment où on voudrait le plus les avoir oubliés. À cet instant précis je suis la petite fille dans laquelle tous ces films ont infusé leurs ombres suspectes, leurs rideaux qui remuent, leur musique qui bascule. Comment a-t-on pu me laisser regarder des films pareils ? »
Quelques instantanés font-ils une vie ? Certainement dès lors que l’on parvient à évincer le cliché et que l’on préserve toute la saveur du moment de grâce qui fut à jamais gravé dans la mémoire. L’âge n’est donc plus une préoccupation passagère mais le simple constat que les choses se font à leur rythme et qu’il y aura toujours du plaisir à savoir magnifier le présent, apprécier chaque détail, même un simple bain de minuit dans une piscine entre amies…
François Xavier
Fabienne Jacob, Mon âge, Gallimard, août 2014, 166 p. – 16,90 €
1 commentaire
présente sur la première liste du Femina... jusqu'à ce soir, au moins :-)