Il était une fois le cinéma

Résumer l’histoire du cinéma mondial en 214 pages est au mieux un pari insensé, au pire une folie. Là où des encyclopédies entières n’y parviennent pas, il fallait oser et Jean-Michel Frodon l’a fait, c’est tout à son honneur.

Il narre ainsi cette usine à gaz qu’est le cinéma depuis sa création (officiellement attribuée aux frères Lumière) jusqu’à hier ou au moins avant-hier.

Comme l’on peut s’y attendre en pareil cas, il s’agit d’un survol par le haut (on est chez Gallimard, que diantre !). C’est-à-dire par les grands auteurs et les grands films. En un mot, les classiques. Comme à l’école où l’on étudie d’abord (et surtout) les classiques plutôt que les auteurs dits populaires. Ici foin de James Bond et de gendarme de Saint-Tropez. Mais telle est la règle du jeu comme dirait Jean Renoir. Normal.

Frodon passe donc en revue les époques et répertorie les cinéastes à retenir. Il connait son sujet et sa force est de ne pas se contenter des quatre ou cinq pays habituellement traités (Etats-Unis, France, Allemagne, Angleterre, Italie) mais de s’efforcer de couvrir l’ensemble de la planète (avec un attrait particulier pour le cinéma asiatique). En ce sens, le chapitre le plus passionnant à mes yeux reste celui intitulé justement Toute la planète ou presque où se retrouve l’ensemble du cinéma mondial. Un sacré panorama.

Compte tenu du nombre limité de pages, il est parfois dommageable que Frodon se laisse aller à des considérations presque hors sujet (le chapitre sur la cinéphilie a-t-il vraiment sa place ?). Je pourrais citer l’étonnant passage sur les noms étrangers (p 175) ou les dernières pages sur l’avenir du cinéma qui n’apportent pas grand-chose…

Pour le reste, il dresse un portrait foisonnant de cet art septième, citant finalement peu de films pour mieux appréhender l’ensemble. Parfois, il s’arrête sur certains réalisateurs dont il tient à souligner, à juste propos, l’importance. Efficace.

Bien sûr, l’on pourrait passer des heures à contester ces choix, à chipoter sur certains points de vue (Soldat bleu ne fut pas tout à fait le premier western à prendre la défense des Indiens). Quelques « grands » sont absents ou n’ont droit qu’à une portion congrue. Tels David Lean et Stanley Kubrick pour ne citer qu’eux. Mais, dans un tel livre, il est impératif d’effectuer des tris.

Ceci dit (ou plutôt écrit) je me pose vraiment la question de savoir comment un novice en cinéma aborde un tel livre ? Imaginons une jeune personne pas trop bête s’intéressant à cet art et désireuse d’en savoir plus. Quelle réaction face à cette histoire du cinéma ? Je n’en ai aucune idée, n’étant plus jeune ni novice, hélas.

Là où je suis plus circonspect c’est sur certains faits précis. Chipotons, chipotons. Passons sur les inévitables fautes dites « de frappe » (Irvin au lieu d’Irving Thalberg) mais étonnons-nous que certains films soient cités dans leur version originale (ce qui n’est pas le cas de tous les autres, heureusement) : Vertigo (Sueurs froides) F for Fake (Vérités et mensonges), Ossessione (Les Amants diaboliques)… D’autre part le film de Sergio Leone ne s’intitule pas Il était une fois l’Amérique mais Il était une fois en Amérique, nuance de taille. Ailleurs : Carette ne se prénommait pas Roger (!) mais Julien (ne pas confondre avec Roger Carel, la voix d’Astérix). Plus grave : l’auteur de La Guerre des mondes « H.G Welles portait le même nom de famille » qu’Orson Welles (p 114). Ben non. Il se nommait H.G Wells (sans e). Ce serait comme dire que Durand a le même nom de famille que Durant ou que Frodon a le même nom de famille que Frolon !

Heureusement, ces quelques étourderies ne décrédibilisent pas l’ensemble. Ce livre est un condensé solide même si partisan. Pour se rappeler que le cinéma est plus grand qu’on a tendance à le penser à la fois dans le temps et dans l’espace.

Et, comme il est destiné aux jeunes, le tout est habilement illustré.


Philippe Durant


Jean-Michel Frodon, Il était une fois le cinéma, Gallimard jeunesse, octobre 214, 216 pages, 22,50 €

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