Ca aussi, ça passera, de Milena Busquets : Ode à une mère disparue

« L’amour de ma vie, c’était toi. » La narratrice nommée Blanca le sait bien : on n’aime jamais autant ses parents que lorsqu‘ils ont disparu. Après l’agonie de sa maman et son décès, elle revient à Cadaqués, dans la maison familiale tout prés du cimetière. C’est l’été, sa saison favorite et le jour, il y a les amies, Sofia l’épicurienne et Elisa l’analyste de sa propre vie, une bande d’enfants qui jouent, des chiens en pagaille.

 

Mais la nuit, « j’ai un hurlement en moi qui me lacère la poitrine, crispe mes mâchoires, me cogne les tempes ». Blanca souffre de la perte et l’exprime comme elle peut, naviguant entre le souvenir heureux de l’enfance et l’horreur des derniers mois. Et quand tout se dérobe, elle s’appuie sur l’amour et le sexe, des pulsions qui la ramènent à la vie. Car Blanca, cet été là, est entourée de ses deux ex-maris, qui chacun veille sur elle et son si grand chagrin, et la nuit lui font l’amour pour l’arrimer à la terre, pour enrayer son désespoir.

 

Dans une langue éloquente et élégante, Milena Busquets dessine le portrait de celle qu’elle a aimée et détestée, une intellectuelle libre, avec qui les relations n’avaient rien de simple. Elles n’étaient ni amies ni complices, mais l’une était la mère, l’autre la fille, et quand on perd la première, on perd aussi de son enfance, de son innocence. À quarante ans, Blanca se rend compte qu’elle est passée irrémédiablement dans le camp des adultes, et l’alcool, les joints, le sexe n’y feront rien. Il faut se plier à la perte, l’accepter, la transformer en quelque chose avec laquelle on peut vivre.

 

D’une beauté presque sereine et d’une grande élégance, le nouveau livre de Milena Busquets qu’on hésite à qualifier de roman tant tout sonne trop juste, trop à vif pour être de la fiction pure, touche au cœur. Les mots sont choisis, sensibles, clairs même quand le chagrin s’immisce par tous les pores dans son être. « Pas question de consolation ni d’oubli, reconnaît finalement l’auteur de ce texte, l’amour de ma vie c’était toi. » Un cri dans la nuit du deuil.

 

Ariane Bois

 

Milena Busquets, Ca aussi, ca passera, traduit par Robert Amutio, Gallimard, mai 2015, 176 pages, 17 €

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