Dina, Maillol et lui : Horvat



Et si, pour une fois, l’on prenait le problème à l’envers ? Via le postulat historique, tout d’abord qui place la réalisation de la plupart de ces sculptures bien avant la rencontre de 1934 entre Maillol et Dina Vierny ; puis via le choix esthétique de Frank Horvat : shooter ces œuvres comme un simple amateur avec un compact numérique puis s’adonner à la retouche via l’informatique. Ainsi la prise sera libérée des contingences professionnelles et recouvrera la naïveté de l’instinct, la fraîcheur de l’instant primant sur l’angle ou la lumière, seul le cadre prévaut. Puis l’expérience du photographe œuvrera quand, sur le clavier numérique, il jouera avec les fonctions du logiciel, et donnera toute sa sensibilité d’artiste dans le maniement des fichiers digitaux pour (re)donner vie à une nouvelle photographie, celle-ci unique, pleine et entière dans sa manifestation d’une alchimie.

 

Rarement, pour ainsi dire jamais, sculpture avait été ainsi capturée dans l’œil électronique d’un appareil et rendue de cette manière. S’ouvrant dans ce que l’on appelle couramment un format italien, ce très bel album donne à voir des images au piqué surnaturel d’un rendu presque en reliefs, qui laisserait la main s’en aller caresser la page si l’on ne savait que l’on ne tenait là qu’un chef-d’œuvre de papier…

Oui, cet ouvrage est une pure merveille !

 

Chaque statuette libère un charme imperceptible qui hypnotise le regard, magie du cliché, nous voici bien face à une œuvre à quatre mains, comme l’indique très justement Alex Susanna. Livre rare, donc, fruit de la confluence de deux imaginaires qui s’interpénètrent à des années d’intervalles. Une poésie revendiquée par Horvat qui a su lire toute la sensibilité déployée par Maillol dans le façonnage de ses corps de femme en paysage à l’architecture complexe et nubile. Et si la femme devient objet de contemplation, voire de désir, comme ce fut le cas depuis les premières terres cuites découvertes dans le Delta du Nil quatre mille ans avec J.C., elle demeure dans sa majesté et sa grâce par l’entremise des éclairages et des angles les plus variés que Franck Horvat a su déployer via des astuces informatiques. On se demande parfois si l’on n’est pas dans l’œil de Maillol : c’est donc bien ici de formes qu’il s’agit. Formes lisses comme un galet de rivière, compactes et si éloignées de tout détail anatomique que l’on verse aussitôt dans l’absolue beauté.

 

François Xavier

 

Frank Horvat & Alex Susanna, Maillol-Horvat, 60 illustrations, 340x235, Gallimard/Galerie Dina Vierny, juin 2015, 92 p. – 32,00 euros

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