Gaumont, depuis que le cinéma existe

GAUMONT : 120 ans et toujours jeune !


Eh oui. En cette année 2015, Gaumont fête ses 120 ans d’existence. C’est-à-dire le même âge que le cinématographe, dont on ne dira jamais assez à quel point il a révolutionné la planète. À cette occasion il y eut une exposition à Paris (trop tard c’est fini !), il y aura un excellent documentaire sur France 5 (que je conseille vivement à mes rares lecteurs pour l’unique raison que j’y ai participé !) et plusieurs livres. Outre un gros album à La Martinière (que je n’ai pas reçu, donc je n’en parle pas), voici un fascicule bien foutu chez Découvertes Gallimard.


En réalité il s’agit de la réédition augmentée d’un ouvrage paru en 1994. L’auteur en est François Garçon dont on nous dit qu’il est docteur en histoire, comme si l’histoire avait besoin d’être soignée. Il fait également des conférences à l’École Polytechnique ce qui dénote d’entrée un esprit badin.


Ce brave Garçon a décidé de présenter le riche parcours de Gaumont à travers ses aspects économique et technique. C’est un choix. Qui délaisse quelque peu le côté artistique. Un choix intéressant car il permet de pointer l’évolution de la firme à la marguerite. On se doute qu’en plus d’un siècle elle a traversé bien des turbulences ; mais toujours elle a réussi à surmonter les obstacles – y perdant parfois les pétales -, preuve d’une extrême mobilité et d’une grande clairvoyance. Face aux coups de boutoir de la Nouvelle Vague, de la télévision et même d’Internet, cette maison a toujours réussi à trouver son chemin. Et c’est loin d’être fini.


Garçon explique les enjeux économiques, les engouements et les revirements. Ainsi, l’expansion internationale des années 70 fut revue à la baisse, pour reprendre une nouvelle dimension aujourd’hui. Il évoque la distribution des films (ceux de Gaumont mais aussi, un temps, ceux de Disney !), la nécessaire fabrication de Gaumont Actualités, la difficile exploitation d’un parc de salles qu’il faut sans cesse moderniser. Tout cela est précis sans détails inutiles et donne presque l’impression d’assister aux conseils d’administration où se décident les choix financiers.


Dès lors, les amateurs d’anecdotes de tournage, ceux qui veulent savoir pourquoi et comment certains films se sont faits, les curieux en tout genre risquent de rester sur leur faim. Tel n’est pas le but du livre. Mais à force de regarder l’écran, on en oublie que le cinéma est aussi une industrie, cet ouvrage est là pour nous le rappeler.


D’ailleurs, dès qu’il s’agit des films proprement dits, Garçon perd de sa maîtrise et de sa maestria. Pas à l’abri de l’erreur ou tout au moins de l’approximation. Ainsi (page 63) il parle de « l’interruption du tournage du Cerveau » en raison des grèves de 1968. Ce n’est pas tout à fait exact puisqu’il s’agit d’un retard de tournage. Gérard Oury attendit, avec beaucoup d’impatience, que le travail reprenne dans toute la profession pour donner son premier tour de manivelle (le tournage faillit même être annulé !). Plus inquiétant (page 55), dans sa légende de photo, l’auteur me semble confondre Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages avec Les Tontons flingueurs ! Faute assimilable à mes yeux à un crime de lèse-majesté. Enfin (page 81), il est question du « succès » de La Grande Séduction, comparable à celui du Placard et de L’Enquête corse. Ah bon ? Au Canada (dont le film est originaire) et aux États-Unis oui (10 millions de dollars de recettes) mais pas en France, où ce film ne franchit pas la barre des 500 000 entrées. Il eut fallu être précis. Comme quoi on peut conférer et faire des (petites) bourdes.


Il n’en demeure pas moins que ce livre est précieux pour qui veut en savoir plus sur l’incroyable parcours de Gaumont. En outre, il est pullule d’illustrations en tout genre (affiches, photos mais aussi documents rares) qui en font un véritable voyage au cœur du cinéma. C’est toujours agréable.


À noter : des annexes bien faites comprenant notamment une chronologie et une filmographie.


Philippe Durant


François Garçon, Gaumont, depuis que le cinéma existe

Découvertes Gallimard, octobre 2015 (mise à jour de l'édition de 1994), 128 pages, 14,80 €

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