Black Market

Ray Willis est un homme brisé. Il est devenu thanatopracteur, alors que son talent lui promettait une belle carrière de chirurgien. Il s'est marié à une très belle femme, a connu un mariage heureux, jusqu'à ce qu'on lui diagnostique un cancer… Mais sa vie prendre un tournant surprenant quand, son frère, un type un peu louche, frappe à sa porte pour lui proposer un « coup ». Un laboratoire privé propose une grosse somme d'argent en échange d'un échantillon de sang des super-héros : l'étude de leur ADN pourrait bien ouvrir la voie à un remède contre le cancer ! Ray hésite : n'est-ce pas là un moyen de se sortir de ses ennuis, et peut-être sauver la vie de sa femme…


Black Market s'inscrit dans un courant moderne qui consiste à revisiter le genre super-héroïque de façon cynique, en explorant sa face sombre. Un principe mis en exergue par Alan Moore avec Watchmen, puis des œuvres plus récentes comme Irrécupérable de Mark Waid, Powers de Brian M. Bendis ou bien la trilogie No Hero/Black Summer/Super God de Warren Ellis. L'idée étant de montrer qu'un monde contemporain peuplé de super-héros ne serait certainement pas aussi gentillet que Marvel et DC nous l'ont fait croire.


Il y a dans Black Market des idées intéressantes. La première d'entre-elle, c'est l'idée que les super-héros ont pris la place des héros ordinaires. On nous explique qu'avant l'apparition des surhommes, il y avait des héros costumés mais sans pouvoirs. Quand les super-justiciers sont apparus, ils ont pris de haut leurs prédécesseurs, qui ont fini par ranger leurs costumes au placard. Idée passionnante où finalement les super-justiciers deviennent des êtres imbus d'eux-même, se considérant comme des demi-dieux parmi les communs. Et évidemment, la condition de Ray Willis, un homme brisé par la vie, la malchance, n'est pas innocente, et l'un des intérêts de l'histoire est de découvrir s'il va prendre une revanche sur son destin.


Deuxième idée intéressante : celle que le sang de ces êtres « supérieurs » (notez l'emploi des guillemets) puissent avoir en eux, dans leur sang, un remède, et que même s'ils le savaient, ils s'en ficheraient pas mal. D'où l'obligation d'aller subtiliser leur ADN… Le « Black Market », le « marché noir » du titre fait référence à ce trafic d'ADN organisé par les laboratoires privés pour guérir les maladies mortelles. Un remède qu'on imagine réservé aux plus riches, évidemment.


Il y a quelques mois, le public français découvrait Victor Santos grâce à Furious (Glénat). Le style unique du dessinateur apporte un plus au travail de Frank J. Barbiere, dans un ton cartoon adulte, à mi-chemin entre Michael Oeming et Paul Pope. Un visuel qui permet tout à la fois de faire passer la violence du propos, tout en conservant le fun du genre super-héroïque. C'est ce qu'on appelle un bon casting.


Black Market a le bon goût de tenir en quatre épisodes compilés dans ce récit complet. Si bien que les auteurs ont donc le temps de faire le tour de la question sans nom plus trop délayer leurs idées. Si vous appréciez les histoires (courtes) qui lèvent le voile sur le monde cynique des surhommes, voilà une belle série B (dans le bon sens du terme) qui mérite qu'on s'y attarde. Une agréable surprise.



Stéphane Le Troëdec




Frank J. Barbiere (scénario) et Victor Santos (dessins)

Black Market (récit complet)

Édité en France par Glénat (30 septembre 2015)

Collection Comics

112 pages en couleurs sur papier glacé sous couverture très cartonnée

14,95 euros

ISBN : 9782344009505

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1 commentaire

Merci pour cette présentation, cela m'a mis fortement l'eau à la bouche. Je vais me renseigner pour découvrir ce Ray Willis plus en profondeur...