Guillaume Apollinaire & Paul Guillaume, Correspondance

Poète, conteur, éditeur, journaliste, directeur de la revue Les Soirées de Paris, Apollinaire vit au cœur d’un microcosme artistique et littéraire cosmopolite. Son sens avéré du détail, son œil curieux, son ouverture d’esprit font que rien ne lui échappe des grandes tendances qui se dessinent en ce début de XXe siècle. Ami de Picasso depuis 1905, préfacier de Braque en 1908, il a collaboré avec Derain pour L’Enchanteur pourrissant, et avec Dufy pour Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée (1911). Dans les salons, les ateliers, les cafés, il fréquente des peintres de renom, des sculpteurs en devenir, des collectionneurs, des critiques d’art, français, polonais, italiens, américains… Ami de Vollard, les galeries parisiennes n’ont plus de secret pour Guillaume Apollinaire qui tisse dans toute l’Europe un réseau de correspondants. C’est encore lui qui a contribué à inventerle Douanier Rousseau et à lancer Marie Laurencin.


Sa rencontre avec le jeune Paul Guillaume sera décisive pour le futur marchand d’art dont l’ambition dépasse de loin celle d’un simple commerçant… Dès septembre 1912, Apollinaire conseille déjà à ses lecteurs de retenir son nom. En 1913, il parvient à le placer comme décorateur du beau-frère du couturier Paul Poiret : le jeune Paul poursuit son apprentissage avec un seul objectif, ouvrir sa propre galerie, qui sera dans un premier temps axée sur les objets d’Afrique et d’Océanie. Puis Apollinaire lui adressera Giorgio De Chirico, peintre italien alors méconnu dont l’étrange peinture métaphysique a tillé la curiosité du poète.
Guillaume fait le grand saut, ce sera au 6 rue de Miromesnil : aux côtés des arts premiers, Guillaume présente des œuvres de Picabia, De Chirico, Pierre Roy, Robert Lotiron et Madeleine Berly.

Au fil du temps, la relation entre les deux hommes sera de plus en plus tendue, Guillaume se laissant dévorer par son ambition au mépris des avis du poète, allant jusqu’à le traiter en simple collaborateur d’Arts à Paris, revue qu’il a fondé et finance entièrement mais… que seul Apollinaire dirige et dont il rédige la totalité des deux livraisons initiales sous divers pseudonymes. Tout en s’indignant, la poète encourage son ami dans ses projets, mais le torchon brûle pour de bon lorsque le 2 mai 1918, Guillaume se défile lors du mariage d’Apollinaire et fait envoyé un cadeau défraîchi…

Cependant, au-delà de leurs différends, Paul Guillaume et Apollinaire ont continué à s’écrire, collaborant dans une singulière efficacité à une magnifique série d’expositions, d’événements et de publications. Ils ont défendu les arts d’Afrique et d’Océanie ainsi que la liberté d’expression et les œuvres artistiques et littéraires les plus nouvelles. Par le biais de cette correspondance croisée, le lecteur perçoit comment ce jeune homme de dix-neuf printemps parvint, en moins de dix ans, à devenir l’un des marchands d’art les plus influents et les plus éclairés de son époque…
Ces cent-vingt lettres – comme autant de jours – enrichies de documents souvent inédits rendent hommage à ces deux hommes sans qui l’art moderne  n’aurait pu aussi magnifiquement se développer. Ainsi, une visite s’impose-t-elle en complément de la lecture de ce livre, au musée de l’Orangerie, où sont conservés des chefs-d’œuvre issus de la collection Paul Guillaume, pour sentir au plus près les effets de ce compagnonnage artistique, fer de lance de la modernité.

 

 

François Xavier

 

Guillaume Apollinaire & Paul Guillaume, Correspondance, édition de Peter Read, +40 illustrations couleur et N&B, Gallimard, avril 2016, coll. "Art et artistes", 190 p. – 19,50 €

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