Judas, du traître au saint?

Un sujet périlleux

 

Ancien directeur de The Catholic Herald, Peter Stanford a déjà fait paraître outre-manche un certain nombre d’ouvrages autour du christianisme (citons ici Catholics and sex, The devil : a biography et The Life of Christ).  Les éditions Fayard ont choisi de traduire sa biographie de Judas, figure absolue du traître dans le monde occidental depuis plus de deux mille ans et sujet ô combien sensible. Car derrière l’apôtre maudit, c’est la question de l’antijudaïsme chrétien qui se cache… on peut dire tout de suite que Peter Stanford n’a pas peur des sujets difficiles !

 

Judas, cet inconnu

 

Il est très difficile de se faire une idée de Judas l’Iscariote à partir des vingt-deux mentions de lui dans les évangiles synoptiques. Trésorier des apôtres, il porte un prénom très commun dans le monde juif et se voit associé un surnom qui renvoie à une origine géographique. Dans les évangiles, Judas est d’emblée présenté comme un traître mais aussi comme un proche du Christ qu’il ira même jusqu’à embrasser dans l’évangile de Marc pour ainsi le désigner aux soldats venus l’arrêter… Quels étaient les mobiles de cette trahison ? L’argent ? Une volonté de pousser Jésus à proclamer une insurrection généralisée ? Le diable ?  Si Judas a réellement existé, il conservera jusqu’au bout sa part d’ombre… Qui ouvre la voie à toutes les interprétations (très bien expliquées dans Corpus Christi de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur).

 

Un portrait kaléidoscopique

 

Peter Sandford montre bien comment Judas va être démonisé, humilié pendant des siècles :  son nom engendrera nombre de jurons (et aussi le nom d’une bière !) et deviendra malheureusement l’emblème du peuple juif, peuple déicide pour nombre de catholiques et d’orthodoxes (oubliant au passage que Jésus et l’ensemble des apôtres étaient juifs). Mais Judas engendre aussi d’autres interprétations : il existe un évangile de Judas, d’inspiration gnostique, qui fait de lui l’apôtre préféré à qui Jésus réserve l’ultime révélation. Plus près de nous, Nikos Kazantzakis a donné un roman, « La dernière tentation du Christ » (que Martin Scorsese a très bien adapté à l’écran), où Judas se révèle être la conscience de Jésus, être déchiré entre sa nature humaine et sa divinité…  On saura gré à Peter Stanford d’avoir donné une synthèse très vivante et actuelle sur un personnage qui, vaille que vaille, habite toujours notre présent. Très utile pour les néophytes.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Peter Stanford, Judas, traduit de l’anglais par Odile Demange, Fayard, avril 2016, 352 

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.