"Les gaullistes", des politiques comme les autres?

Les biographies sur le général de Gaulle se sont succédées, les études sur le gaullisme comme mouvement politique et parti aussi (celle de Serge Bernstein rééditée chez Tempus fait autorité), peu d’ouvrages sur les gaullistes existent, à la fois du point de vue des hommes et de leurs réseaux. Et ils furent divers ces gaullistes ! Le gaullisme de la Résistance ne fut pas celui du RPF et ce dernier ne recouvre pas forcément celui des années 60. Sans parler du gaullisme social, du gaullisme conservateur ou même du gaullisme de gauche…

 

Quelques hommes…

 

L’ouvrage délaisse les célébrités (Pompidou, Chaban-Delmas, Messmer, voire Jacques Soustelle) et recense quelques figures assez originales qui témoignent de la diversité du mouvement. Par exemple Christian Hocq retrace ainsi l’itinéraire de Maurice Schumann, qui incarnait la fidélité à la personne du Général mais qui n’adhéra pas au RPF, restant au MRP. Déchiré entre cette fidélité et ses convictions démocrates chrétiennes et européennes, il démissionna en mai 1962 après la déclaration anti européenne du Général de Gaulle avant de revenir dans le gouvernement Pompidou en tant que ministre d’État chargé de la Recherche scientifique en 1967. Quant à Louis Joxe, il est caractéristique de cette haute fonction publique qui se rallia en 1958 sans états d’âmes, un Jacques Foccart incarnant quant à lui la continuité du RPF.

 

Les réseaux

 

Ce recueil cherche aussi à étudier l’implantation des gaullistes dans certaines professions : journalistes, diplomates, juristes et même les sportifs. Les mouvements étudiants  et universitaires sont aussi présentés. Ici, on trouve trace d’une démarche historique qui a fait ses preuves par exemple pour l’histoire du mouvement communiste. On peut en tout cas à bon droit poser une question : le gaullisme a-t-il « gaullisé » la société ou celle-ci a-t-elle « normalisé » le gaullisme ? Sujet à peine évoqué mais présent dans ce recueil. L’implantation régionale, à Paris par exemple, est ici bien évoquée. Force est de constater en tout cas que le mouvement gaulliste imita les autres partis, en particulier socialiste et communiste, dans le « maillage» de la société.

 

Les rivaux

 

Un certain nombre de contributions sont ici présentées sur les relations des différents mouvements gaullistes avec libéraux, centristes, socialistes (quid du PCF ?). Toutes de très bonne qualité, elles permettent de comprendre comment les trois courants suscités, de tradition plus ancienne, ont dû s’accommoder d’un mouvement puissant, qui fut parfois leur partenaire mais surtout un rival. Le gaullisme était auréolé du charisme de de Gaulle mais souffrait aussi d’une faiblesse : à trop vouloir rassembler, ne risquait-il pas de se diluer en absorbant ou en se liant avec d’autres partis, particulièrement ceux de droite ? C’est toute la problématique du gaullisme d’après de Gaulle, celui de Chirac, à peine esquissé dans cet ouvrage (dont ce n’est pas le sujet central), qui mènera au rassemblement de toutes les droites, à travers l’UMP, qui n’a plus rien de gaulliste. On souhaite un jour de lire le même livre sur le RPR et ses courants (comme le gaullisme social de Philippe Séguin par exemple).

 

Sylvain Bonnet

 

Sous la direction de François Audigier & Bernard Lachaise & Sébastien Laurent, Les gaullistes, éditions nouveau monde, mars 2013, 600 pages, 29 €

Sur le même thème

2 commentaires

N'est-ce pas aujourd'hui une figure tutélaire contre laquelle il est difficile de s'ériger (comme le fit François Mitterrand dans son Coup d'état permanent, avant bien sûr de faire ce qu'il reprochait au Général... ), et tout le monde se tient la main autour de sa statue pour éviter les coups ? 

En histoire, il n'y a pas de tabous. Il est vrai qu'étudier de Gaulle aujourd'hui, c'est un peu comme se pencher sur Napoléon (ils sont d'ailleurs souvent comparés) et attraper le vertige. Pour autant, il y a des biographies, comme celle d'Eric Roussel, qui ne sont en aucun cas des hagiographies et c'est tant mieux car l'hagiogrpahie relève d'une idéologie, de la propagande et accessoirement de l'Histoire0. Pour autant, ici, l'ouvrage parle des gaullistes, ce qui n'est pas la même chose.