"Napoléon et 40 millions de sujets", la centralisation : une idee d'avenir?

Le grand prêtre de l’histoire napoléonienne

 

Doit-on présenter Jean Tulard ? Auteur d’une excellente biographie, Napoléon ou le mythe du sauveur, dans les années 70, il forma des générations d’étudiants (dont l’auteur de ces lignes) à l’histoire de la Révolution et du premier Empire, batailla en son temps contre Albert Soboul (primus inter pares de l’historiographie marxiste de la Révolution) et en même temps jeta les bases d’un renouveau des études napoléoniennes : lorsqu’on voit aujourd’hui sortir les livres de Thierry Lentz et Jacques-Olivier Boudon, on se dit qu’ils doivent quelque chose à Jean Tulard.

 

 

Napoléon, génie administratif

 

Comme le démontre Jean Tulard, Napoléon n’a pas inventé la centralisation administrative. Celle-ci découle de la volonté des rois de France et de leurs ministres de limiter l’autonomie des provinces conquises et de briser les assises d’une noblesse longtemps frondeuse. Mais la monarchie ne supprima pas les provinces, elle créa une circonscription fiscale, la généralité, à la tête duquel elle nomma des intendants ; ceux-ci élargirent progressivement, avec le soutien de l’Etat royal, leurs prérogatives. Violemment critiqués dans les cahiers de doléances, intendants et généralités disparaissent en 1789 au profit du département et d’assemblées élues chargées entre autres du recouvrement de l’impôt.

 

Cependant,  la guerre et la Terreur firent disparaître ces assemblées et la convention envoya des agents nationaux s’occuper des départements, puis Thermidor amena les commissaires des pouvoirs exécutifs, ancêtres des préfets. Ce rappel vise à démontrer que Napoléon ne créée pas d’institutions ex nihilo, il essaie de  prendre le meilleur de ce qui se faisait dans la France d’Ancien Régime et dans celle de la Révolution avec un double souci : l’efficacité et l’ordre. La création des préfets vise à garantir l’ordre, tout en cantonnant les assemblées élues au niveau local à un rôle consultatif.

 

A côté des préfets, il y aussi les évêques dont l’importance au niveau local après le concordat est considérable. A côté  des départements (dépendant du ministre de l’Intérieur), il y a aussi les arrondissements de police générale (dépendant du ministère de la police): Napoléon sait aussi diviser pour régner.

 

Des leçons pour l’avenir ?

 

Le revers de la médaille est que rien ne se décide sans Napoléon. Lors de ses absences, un Cambacérès ne fait qu’expédier les affaires courantes. C’est pour quoi il signe les décrets de réorganisation de la comédie française à Moscou ou le blocus continental à Berlin. La « constitution administrative napoléonienne » a fonctionné à travers les différents régimes jusqu’en 1982. Depuis, les différentes vagues de décentralisation ont modifié l’organisation administrative de la France en accordant plus de poids aux régions et en permettant aussi la montée en puissance des intercommunalités. A un moment où on fusionne des régions, où on (re)parle de la suppression du département, reconnaissons avec Jean Tulard que le système napoléonien avait le mérite de la simplicité et de l’efficacité. A lire, comme toujours avec plaisir lorsqu’il s’agit d’un ouvrage de JeanTulard.

 

Sylvain Bonnet

 

Jean Tulard & Marie-José Tulard, Napoléon et 40 millions de sujets, Tallandier, mai 2014, 416 pages, 24 €

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