"L'axe Frei De Gaulle", un gaullisme chilien?


  De Gaulle et l’Amérique latine

 

Le Général De Gaulle constitue à bien des égards le dernier personnage mythologique de l’histoire française. En 1996, Maurice

 Vaïsse proposa dans son livre La grandeur une réflexion sur la portée de la politique étrangère gaullienne et sur le hiatus entre ses ambitions (immenses) et ses résultats (limités). Le cas de l’Amérique latine illustrerait ce raisonnement : selon Vaïsse, De Gaulle y fit un voyage réussi en 1964 mais qui fut suivi de peu d’effets concrets : la France ne pouvait tout simplement pas y supplanter les Etats-Unis. Pour vérifier cette assertion qu’elle met en question dans son introduction, Emilie Lecat-Bringer choisit d’étudier la relation franco-chilienne  née de ce voyage de 1964.

 

Un accueil très favorable

 

Le Général passe donc trois jours au Chili fin 1964. Il y rencontra le président tout juste élu, Eduardo Frei, démocrate-chrétien et réformiste et ce dernier lui réserva bon accueil. L’auteur rappelle que l’influence culturelle française au Chili est ancienne, que les élites y sont traditionnellement francophiles et francophones. De Gaulle est séduit par le pays, très européen et latin selon lui. De plus, les positions de Frei, qui revendique une forte autonomie par rapport aux Etats-Unis, le séduisent. Frei désire de surcroit changer la constitution chilienne afin de renforcer les pouvoirs du président en s’inspirant de la constitution de 1958 : le gaullisme était-il soluble au Chili ?

 

Le poids des réalités

 

Pendant cinq ans, officiels chiliens et français vont donc 

jouer à se séduire. Le Chili y gagnera une aide technique importante et la France y accroîtra sa présence culturelle. Pour autant, à la lecture de cet ouvrage, on se demande si parfois l’auteur n’a pas tendance à exagérer son sujet. Si Frei et De Gaulle entretiennent de bons rapports, si la bonne volonté de part et d’autre est réelle, reste que, géopolitiquement, le Chili dépendait trop économiquement des Etats-Unis pour pouvoir s’en émanciper. Quant à la France, elle est définitivement trop lointaine. Si la personne du Général marque profondément les chiliens, y compris Salvador Allende alors dans l’opposition,  les actes ne suivront pas complètement les paroles. Notre auteur prouve donc que la vision de Maurice Vaïsse était la bonne... et on s'interroge sur la nécessité qu'il y avait à se démarquer du grand historien au début du livre. A lire cependant.

 

Sylvain Bonnet

 

Emilie Lecat-Bringer, L’axe Frei-De gaulle, Nouveau monde éditions, avril 2014, 199 pages, 22 €

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