"Valmy", lieu de mémoire

L’universitaire de talent

 

Spécialiste de l’histoire de la Révolution et de l’Empire (on lui doit nombre d’ouvrages sur le sujet), professeur émérite à Paris I, Jean-Paul Bertaud se propose ici de revenir sur la bataille de Valmy. Valmy est à la fois une bataille d’ampleur limitée (les prussiens n’ont pas cherché l’accrochage) et un lieu de mémoire de la Nation Révolutionnaire. Jean Paul Bertaud nous propose de revivre l’évènement à travers les récits des combattants (des deux côtés) pour mieux percevoir la façon dont l’évènement fut vécu par les contemporains

 

Le chaos et l’amalgame

 

A la lecture de l’ouvrage, on réalise que la Révolution était porteuse d’un chaos énorme, du fait qu’elle amenait la dissolution des structures anciennes. La séquence 1789 à 1792 peut être présentée comme un moment d’effondrement. Circonscriptions administratives, structures sociales, habitudes de pensée tout s’effondre et change. Et l’armée ne fut pas épargnée. Nombre d’officiers d’origine noble émigrèrent (un mouvement qui s’accélère après l’échec de la fuite du roi à Varennes), ce qui favorisa l’accession aux grades supérieurs de roturiers.

 

Moins connu, la décision d’amalgamer les régiments de « la ligne » et les « fédérés » dans le cours de la guerre décidée (avec légèreté) par l’assemblée législative fut une des raisons du succès de Valmy. Fiers de leur outil militaire hérité du grand Frédéric, les prussiens s’attendaient à une débandade française : ce fut le contraire. Ce choc psychologique et la manœuvre stratégique de Dumouriez, qui vint se placer sur les arrières de Brunswick, provoqua le retrait prussien. De plus le duc de Brunswick ne manifesta que peu d’ardeur à combattre. Fut-il acheté par Danton avec les diamants de la couronne de France ? Ou faut-il voir l’effet d’une « sympathie maçonnique » entre lui et Kellermann ? Ou simplement la nécessité de ramener l’armée prussienne à l’Est pour participer au partage de la Pologne avec la Russie et l’Autriche ?

 

Reste le poids de l'évènement, magistralement chroniqué par Jean-Paul Bertrand, historien et rival de Jean Tulard (rivalité amicale), dans l’histoire de l’émergence de la nation française. Prions l’être suprême pour que l’université française continue de produire de tels chercheurs. 

 

Sylvain Bonnet

 

Jean-Paul Bertaud, Valmy, Gallimard folio histoire, septembre 2013, 432 pages, 8,70 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.