Poétique du quotidien d'antan en Savoie

La poterie vernissée est une des particularités de l'art populaire savoyard. Souvent déclinée en pois jaunes sur fond bordeaux, cette production fondait le quotidien  du travail féminin : pots pour le lait, le vin et le cidre les objets se déclinaient en forme plus ouvertes pour la préparation culinaire comme pour les lessives. Anne Buttin et Michèle Pachoud proposent une traversée historique de la poterie et de ses ateliers qui tombèrent progressivement dans l’oubli jusqu’à la seconde guerre mondiale. Ces créations retrouvent de nouveau un certain essor mémoriel et touristique. Sont d’ailleurs espérés des artistes capables de régénérer cette tradition.

 

Les deux auteurs illustrent combien celle-ci était diversifiée tant par ses formes que ses décorations. De tels objets  préservaient des invariants et un certain niveau de constance. Les 450 pièces choisies permettent un voyage au fil du temps et illustre une des formes de la poétique savoyarde. Si bien que ce travail n’est pas seulement documentaire mais propose l’archéologie d’un savoir-faire et d’une symbolique dont il ‘est pas forcément aisé de comprendre les enjeux. Tout reste ici dans une simplicité rude propre à l’esprit des montagnards peu enclins au déballage formel. La poterie se découvre comme partie intégrante de la structure culturelle d’un « pays »  aux essences pures et aux gestes parfaits. A l’inverse de la céramique de la même région elle est la marque d’un terroir pauvre et qui vivait que bien que mal avant la découverte du potentiel des barrages puis de l’or blanc.  

 

Sous diverses couleurs se déclinait l’histoire de pot de terre et de chair. Il avançait selon des recettes passées de mains en mains et de vallées en vallées. Les deux auteurs permettent donc d'effeuiller la temps par l'histoire de la poterie et des ses renaissances avant que l'industrialisation et sa sérialité l'"écrasent". L'artisanat retrouve ici tout son sens, sa réalité farcie de mystère et de surface de "réparation". Une imagerie en disparition renaît de ses cendres dans un travail attentif tout en finesse et précision. Certains  retrouveront des lambeaux du temps de leurs ancêtres proches ou lointains dans cet artisanat doublé parfois d'un art "brut" et sans signature et dont la beauté est la seule évidence. Y résonnent la voix du passé et  - qui sait ? -les appels à venir. Surgissent à là à la fois l’inflexion chères des mains  qui se sont figées, la résonance de pas sur le plancher, l’extrême ténuité de l’être suggéré par ses objets simples et singuliers que chaque inventeur modela  à sa façon pour accorder au quotidien une beauté primitive et sourde.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Anne Buttin & Michèle Pachoud-Chevrier, « La Poterie Domestique en Savoie, 288 pages, Editions du Vieil Annecy, 49 €

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