"Le Japon de Hiroshima: l'abîme et la résilience", les conséquences de l'atome


Le Japon, un objet historique non identifié

 

Rédacteur en chef de Monde chinois, nouvelle Asie, chercheur à l’IRIS, Barthélémy Courmont travaille sur le Japon depuis de nombreuses années. Il propose ici un ouvrage, rare en France, sur « l’évènement » d’Hiroshima, c’est-à-dire le premier bombardement atomique de l’Histoire et ses conséquences sur le Japon. Nous nous devons de constater, avec tristesse, que l’histoire du Japon contemporain fait l’objet de peu de publications dans l’hexagone. Cela contraste fort avec l’impact du bombardement atomique d’Hiroshima et Nagasaki sur lesquels Albert Camus, entre autres, écrivit des lignes éclairantes et pénétrantes.

 

Des questions brûlantes

 

Cet ouvrage de Barthélémy Courmont permet donc de combler un manque tout en posant nombre de questions : Quelles étaient les arrière-pensées du gouvernement japonais à l’été 1945 face à la perspective inéluctable de la défaite ? Quel fut le processus de décision menant au double bombardement côté américain ? Quels étaient les liens avec la rivalité croissante des USA avec l’URSS ? Comment la société japonaise encaissa le bombardement et ses conséquences ?

 

L’évènement fondateur du Japon contemporain

 

L’anéantissement d’Hiroshima et Nagasaki poussa le Japon à capituler face aux Etats-Unis, à accepter une occupation (le fameux « shogunat » de Mac Arthur) qui lui imposa un nouveau système politique, la démocratie (avec cependant l’absence d’alternance jusqu’en 1993, puis 2010). A l’ombre du protecteur américain, les japonais bâtirent un véritable miracle économique qui enrichit considérablement leur société… Dans laquelle les victimes des bombardements atomiques (les hibakusha) ne s’intégraient pas, tellement le reste de la société les rejetait, par peur et par honte.

 

S’il y eut Hiroshima, c’est aussi parce que le Japon mena une guerre d’agression contre le reste de l’Asie (Chine en premier) qui entraîna des millions de victimes civiles. Malgré le bombardement atomique, le Japon n’a jamais procédé à un examen complet des faits (l’auteur cite d’ailleurs les manuels scolaires actuels) et a intégré les cendres de criminels de guerre dans le sanctuaire de Yakasuni… Barthélémy Courmont montre avec brio qu’un des effets pervers d’Hiroshima fut de  faire du peuple japonais, à cause de largage de la bombe A, une victime, ce qui empêcha une relecture de la 2e guerre mondiale.

 

Un ouvrage important, au moment où la prolifération nucléaire (avec la Corée du nord) est d’actualité)

                                                                                                     

 

Sylvain Bonnet

 

Barthélémy Courmont, Le Japon de Hiroshima : l’abîme et la résilience, Vendémiaire, mai 2015, 288 pages,  20 €

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