"La mort de Louis XIV", coucher de soleil

Un spécialiste du Grand Siècle

 

Professeur à l’Université Paris VIII, Joël Cornette est surtout connu comme l’auteur du Roi de Guerre, étude intéressante qui reliait la question du développement de l’Etat royal (y compris dans son aspect financier) aux nécessités de la guerre imposée par la volonté du Roi souverain. Grâce à cet ouvrage (et à d’autres comme La mélancolie du pouvoir, Omer Talon et le procès de la raison d’Etat) il s’est imposé comme un spécialiste du XVIIième  siècle, tant dans ces aspects politiques que sociaux, voire religieux. Ici, il se propose de relire un évènement, la mort du Roi soleil, en le replaçant dans le temps long de son règne. Un point de vue qui en vaut un autre !

 

 

Le traumatisme de la Fronde

 

Enfant longtemps attendu (ne reçut-il pas en deuxième prénom Dieudonné ?), le jeune Louis perd son père à l’âge de cinq ans. La plupart des mémorialistes notent son sérieux, sa gravité lors des cérémonies qu’il préside dans son enfance. Sa mère Anne d’Autriche, régente, et Mazarin gouvernent le royaume en son nom mais, alors que les succès s’accumulent à l’extérieur face au Saint Empire et à l’Espagne, c’est la Fronde qui commence à l’intérieur, d’abord au sein du Parlement de Paris, puis dans la haute noblesse (le Grand Condé, vainqueur de Rocroi et cousin de Louis, ne tarde pas à se rebeller). Le jeune Roi sera marqué à vie par le déménagement du Louvre au château de Saint Germain puis à cette nuit où des émeutiers exigent de le voir : l’enfant révèle alors sa singulière personnalité car tous défilent devant le lit royal avec crainte et respect…  Louis XIV sera marqué à jamais par cette révolte et ne retire à aucun moment sa confiance à Mazarin, son père politique selon Cornette.  Et c’est parce qu’il est convaincu de sa majesté et de son rang qu’il décide en 1661 de ne plus avoir de Premier Ministre.

 

Un réformateur saisi par l’Hubris ?

 

Si le jeune Roi, débarrassé de Fouquet, a su avec brio jouer de l’opposition entre les clans Le Tellier et Colbert, il gouverne avec eux, en se servant de leur expérience (Louvois consolide et perfectionne l’organisation militaire du pays), et de leurs réseaux de clientèle, particulièrement parmi les financiers. La première décennie de son règne personnel est marqué par une volonté de réforme sur tous les plans mais tout ceci prend fin lors du déclenchement de la guerre de Hollande en 1672 : guerre d’agression d’un Roi orgueilleux contre une oligarchie de marchands, ce conflit marque l’envolée de la dette de l’Etat royal à cause de la hausse des dépenses militaires (à méditer) qui sera continue pendant plus d’un siècle. La volonté de gloire de Louis XIV le mènera à affronter l’Europe lors de la guerre de la ligue d’Augsbourg et de la guerre de 7 ans. Louis XIV ne connaîtra pas les affres de l’exil à Sainte Hélène mais sa popularité ne se remettra jamais des guerres (à un moment où le climat se détériore, voire le livre d’Emmanuel Le Roy Ladurie, Histoire du climat). Pour Joël Cornette, la mort du Roi annonce la désacralisation de la monarchie, voire 1789. Intéressant, pertinent et discutable : un livre essentiel en tout cas.

 

Sylvain Bonnet

 

Joël Cornette, La mort de Louis XIV, Gallimard collection « les journées qui ont fait la France », octobre 2015, 384 pages, 21 €

  

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