Spécialiste du moyen-âge,  Joël Blanchard a attiré l’attention des amateurs en publiant notamment une biographie de Philippe de Commynes qui a rapidement fait autorité. Il nous propose ici un Louis XI assez particulier. En effet, nous n’avons pas droit à une biographie classique (comme le fut le classique de Paul Murray Kendall) mais un à « essai ». Les chapitres sont intitulés : "Les temps forts du règne", "Un roi et son privé", "Prince et principautés", "Autour du roi : conseillers, transfuges, assemblées", "Louis XI soldat", "La diplomatie de Louis XI", "Louis XI et l’argent", "Louis XI, le verbe et l’écrit ", "Louis XI et la justice", "Louis XI, l’Église et Dieu". Autant d’entrées devant permettre d’approcher ce roi mystérieux surnommée l’ « universelle aragne »…

Un personnage complexe

Louis fut d’abord le dauphin de Charles VII. Et c’est en héritier particulièrement indiscipliné qu’il commença sa carrière. Exilé en Bourgogne chez son cousin le duc Philippe, il attend la mort de son père et devient roi en 1461. Joël Blanchard nous livre par touches subtiles le portrait d’un monarque qui se donne du temps, lutte contre les féodaux de son temps avec ténacité (son conflit contre Charles Le Téméraire est célèbre) en usant de tous les moyens possibles (y compris la justice). Pour parvenir à ses fins, il développe les ressources fiscales de la royauté (il multiplie les impôts par trois), attire à lui nombre de personnages (dont Commynes, transfuge de la cour de Bourgogne). C’est aussi un fin diplomate, passionné par l’Italie, même si ce n’est pas tant sa culture que l’usage de pratiques diplomatiques sophistiquées qui l’intéresse : c’est en achetant l’alliance avec les suisses qu’il réussit à abattre Charles le téméraire.

Un bilan riche

Louis XI, tel qu’il apparaît dans ce livre, est un personnage à cheval entre le moyen-âge et la renaissance. Contrairement à une image longtemps admise, il est le monarque d’un Etat relativement faible : il attend 1480 pour créer une infanterie permanente et préfère avoir recours à des mercenaires. Cruel envers ses concurrents politiques, il n’hésite pas à marier son cousin Louis d’Orléans à sa fille Jeanne, estropiée et incapable d’avoir des enfants. Pour autant, l’image de prince rusé, cruel et machiavélique qui lui a été accolée par l’historiographie est un leurre. Profondément pieux, Louis fait preuve d’une tolérance rare pour l’époque envers les juifs et les vaudois présents dans le royaume.

En fait, il tâtonne, cherche la bonne voie pour ses peuples et lui-même. A sa mort, il laisse un royaume prospère que ses successeurs lanceront bientôt dans les guerres d’Italie. Un personnage qu'avec talent Joël Blanchard nous invite à (re)découvrir.

Sylvain Bonnet

Joël Blanchard, Louis XI, Perrin, octobre 2015, 371 pages, 24 €