"Génération sans pareille", les veinards

Un historien du fait culturel

 

Auteur notamment de L'Histoire des droites en France, ouvrage collectif qu'il a codirigé, et des Vingt décisives, travail qui a modifié notre perception des années 1965-85, Jean-François Sirinelli a consacré des années de rechercher à la France du 20ième siècle et à son histoire culturelle. Il livre ici une synthèse sur la génération des Baby-boomers (à laquelle il avait déjà consacré un ouvrage en 2003 chez Fayard), aujourd’hui en train d’accéder progressivement à la retraite et désormais au pouvoir (François Hollande et Nicolas Sarkozy appartiennent à cette classe d’âge des gens nés entre 1945 et 1955).

 

« La parenthèse enchantée »

 

Les baby-boomers bénéficient effectivement d’une conjonction des astres exceptionnelle : pour la première fois depuis 1870, la France est en paix au moment de leur adolescence (les accords d’Evian mettent fin au dernier grand conflit colonial) et connaît une prospérité sans précédent. Cette génération nombreuse (plus de 800 000 bébés naissent chaque année entre la libération et 1955) devient adolescente au moment où le pays connaît des changements structurels : la fin de l’Empire colonial et le passage à une société urbaine et industrielle (rappelons que la France conserva longtemps des campagnes importantes dotée d’une population nombreuse). Ils vont aussi bénéficier d’un accès facile au marché de l’emploi, contrairement à leurs frères cadets où à leurs enfants. Enfin, c’est la dernière génération qui croit au progrès (y compris - et surtout ?- matériel).

 

Quelle influence ?

 

Moins politisés que leurs aînés, ce sont les baby-boomers qui font mai 68, autant du côté étudiant qu’ouvrier (c’est le moment ou plus d’un tiers de la population active travaille dans les usines), en scandant des slogans gauchistes qui ne font que recouvrir des changements plus profonds (la révolution sexuelle notamment). Les baby-boomers sont en effet plus des hédonistes que des politiques et leur génération ne croit bientôt plus aux lendemains qui chantent. Elevés quelque part entre Lénine et Lennon, ils sont les premiers à essuyer les plâtres de la mondialisation et de la construction européenne (qu’ils soutiennent), eux qui aujourd’hui aident leurs enfants et leurs petits-enfants à faire face à la précarité et au chômage.

 

Face à ce portrait scientifique et très bien documenté que nous dresse Jean-François Sirinelli, le lecteur  est partagé entre la fascination (quelle époque que les années 60-70 !) et une question obsédante : pourquoi ces enfants bénis des Dieux ne nous ont-ils pas légué une société… autre ? Mais là n’est pas le travail de l’historien. Génération sans pareille est en tout cas une excellente étude historique, dans la lignée des Vingt décisives.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Jean-François Sirinelli, Génération sans pareille, Tallandier, janvier 2016, 288 pages, 20,50 €

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