C'était la Fronde, passions françaises

 

Le spécialiste provocateur


Jean-Marie Constant, professeur émérite à l’université du Maine, est un des spécialistes de l’époque moderne : on lui doit un ouvrage sur les Guise, une synthèse remarquable sur La ligue (Fayard, 1996) et une très bonne biographie d’Henri IV (Perrin, 2010). Puis il est passé à l’étude d’un des fils du béarnais, Gaston d’Orléans (Perrin 2013), et a proposé une nouvelle approche de ce personnage en le présentant comme le défenseur d’une monarchie tempérée et modérée, voire un précurseur du libéralisme, face à son frère Louis XIII et Richelieu, partisans d’une monarchie absolue. Cette thèse a fait grincer quelques dents : Arnaud Teyssier, auteur d’un remarquable Richelieu,  étant par exemple opposé à cette lecture. C’était la fronde s’inscrit dans ce sillon, on va vite le voir.

 

Comment lire la Fronde ?

Drôle d’événement que la période de la Fronde (1648-1652) qui voit Parlement, peuple de Paris et noblesse se dresser contre la monarchie en pleine guerre contre l’Espagne. C’est en effet cette guerre extérieure, que la France est en train de gagner, qui ébranle les structures traditionnelles de la société française. Louis XIII et Richelieu ont accru la pression fiscale depuis les années 1630 pour pouvoir financer l’énorme effort militaire nécessaire face à l’Espagne, sans demander l’avis des Etats généraux ou du Parlement de Paris. La guerre leur a donc fourni l’occasion de renforcer le pouvoir royal, ce que noblesse et parlement de Paris ont mal vécu.  Sans compter qu’un parti dévot, pro espagnol et partisan de réformes profondes du Royaume, subsiste au sein de la noblesse.

Les disparitions successives de Richelieu et de Louis XIII et la régence d’Anne d’Autriche ont pu laisser penser qu’un changement politique était possible. La régente et son ministre Mazarin continuent malgré tout la politique précédente. Reste que la Fronde est aussi l’histoire d’un échec : le Parlement rentrera dans le rang et la noblesse, malgré ses réunions en assemblée de 1651-52 à Paris et Chartres, fera de même. Seul Condé qui commence par lutter contre le Fronde avant de se révolter contre le Roi, continuera la lutte en ralliant les espagnols.

 

Une révolte inspirée par la littérature 


L’érudition de Constant lui permet de donner aussi une interprétation assez étonnante et stimulante de la Fronde : tous les leaders sont nourris de littérature, tous ont lus par exemple L’astrée et imaginent vivre une aventure aussi riche que celles narrées dans ce roman porté à l’écran par Rohmer. D’où une dimension romanesque du phénomène frondeur, qu’on perçoit également dans les mémoires des principaux acteurs (dont celles du Cardinal de Retz). Enfin, la Fronde c’est aussi l’ultime sursaut de la France baroque avant que ne débute l’âge classique de Louis XIV. Ce dernier n’oubliera jamais les évènements de sa jeunesse, réformera le royaume et prendra toujours soin de préparer l’opinion à une augmentation de la pression fiscale. Jean-Marie Constant nous offre une synthèse utile et stimulante (il n’hésite pas dans sa conclusion à dresser un parallèle entre la Fronde et mai 68), comme l’était précédemment son Gaston d’Orléans. A lire.

 

Sylvain Bonnet

Jean-Marie Constant, c’était la fronde, Flammarion, février 2016, 400 pages, 25 €

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