La fin des Empires, le retour tragique de l'Histoire

Un duo d’historiens fameux face à un sujet périlleux

 

De Thierry Lentz, disons de suite qu’il est un des grands spécialistes d’histoire napoléonnienne, notamment avec sa nouvelle histoire du premier empire parue chez Fayard et son étude sur le congrès de Vienne, paru chez Perrin. Quant à Patrice Gueniffey, son Napoléon paru en 2014 chez Gallimard a déjà fait date (on attend d’ailleurs la suite). Ils s’attaquent ici à un sujet épineux : la fin des Empires.

 

L’Empire… quel gros mot, une grossièreté lâchée par ce bel aéropage d’historiens ! le modèle impérial a été longtemps vu comme un instrument de domination quasi-totalitaire sur des populations soumises par bon nombre d’intellectuels et d’historiens qui se rangeant dans le camp gauchiste ou le camp progressiste. La guerre de Yougoslavie a rebattu les cartes, beaucoup redécouvrant par exemple les mérites de l’ancien Empire des Habsbourg face aux horreurs nationalistes. Car là est le secret de la vogue actuelle analysée par Thierry Lentz dans l’introduction : l’idée d’Empire a regagné des points dans l’opinion cultivée à mesure que l’idée de nation en perdait.

 

Pluralité des Empires

 

Il existe plusieurs types d’Empire. De l’empire éphémère d’Alexandre à l’empire des Mongols (qui faillirent conquérir l’Europe), de l’Empire chinois à celui des Perses sassanides (merci à Arnaud Blin pour cette précieuse synthèse).  Sans parler des Empires coloniaux…Du coup, l’ouvrage ne propose pas de modèle d’explication de la chute d’un Empire. Chaque Empire a sa propre histoire et génère fatalement son déclin. Elles peuvent êtres externes (Byzance et les perses sassanides s’épuisent à se combattre et sont donc très vulnérables lorsque surgit l’envahisseur arabe) ou internes (l’empire soviétique par exemple). Une guerre mondiale et totale a mis à bas quatre empires : le russe, l’allemand, l’ottoman et l’austro-hongrois.

 

Actualité des Empires

 

Pourquoi l’idée d’Empire fascine-t-il tant aujourd’hui ? La mondialisation pousse les sociétés à rechercher un autre niveau d’organisation supranational, qui viendrait renforcer (certains diraient « remplacer ») les vieilles nations. Cela est particulièrement vrai en Europe. Or, certaines constructions impériales avaient généré des modes d’organisation et de règlement des conflits performants (par exemple en Autriche-Hongrie), respectueuse des cultures et des identités nationales. De plus, la disparition de certains empires a généré des vides géopolitiques dont nous subissons encore les conséquences, par exemple dans les Balkans et au Moyen-Orient où le retour de l’Histoire a été tragique. C’est tout cela que cet ouvrage remarquable se propose, entre autres, de retracer. Cela invite à la réflexion.

 

Sylvain Bonnet

 

Thierry Lentz et Patrice Gueniffey (sous la direction de), La fin des empires, Perrin, janvier 2016, 450 pages, 22 €

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