Journal politique, lorsque l'historien devient témoin

Winock, le spectateur engagé

 

Longtemps professeur à science-po, membre de la rédaction de la revue l’Histoire et auteur d’une récente (et réussie) biographie de François Mitterrand, Michel Winock est un des meilleurs historiens de sa génération, grand propagandiste de sa discipline. Mais voilà que l’historien laisse la place au témoin, au « spectateur engagé » : les éditions Thierry Marchaisse publient ici son journal politique, pour les années 1958-1981, soit la période de la République gaullienne. C’est un peu abusif, car il est reconnu que la présidence de Giscard d’Estaing comporte nombre de ruptures avec celle du général de Gaulle ou de Georges Pompidou. Pour autant, nous avons clairement face à nous un témoignage de première main sur une époque, voire une génération.

 

Un homme de la  « deuxième gauche »

 

Ce journal politique permet un voyage dans le temps formidable : bienvenue dans les années 60 et 70 dans l’esprit du Michel Winock de l’époque ! Membre d’Esprit, proche des mendésistes et du PSU, Winock donne dans son journal son avis sur les faits et gestes de chacun, dresse des portraits (avec talent) de ses coreligionnaires : Jean-Marie Domenach, Jacques Julliard et d’autres encore. Rien que pour ça, ce journal vaut le coup d’être lu. Pourtant, il y a autre chose qui rend fascinante la lecture de ce journal.

 

Contre de Gaulle, malgré lui…

 

Le Michel Winock de ses années-là se montre très critique de de Gaulle et de son régime, la Vième  République. Jamais il ne votera pour lui, malgré la sympathie qu’il éprouve pour sa politique étrangère. Et c’est normal car, bien que plutôt critique du marxisme ambiant, notre historien est engagé à gauche et attend que Pierre Mendès-France fédère autour de lui la gauche non communiste pour prendre ainsi la place du vieux Général. Ce qui n’arrivera jamais…Amusant aussi de lire ce qu’il écrit au moment de la mort de de Gaulle : «  au fond de moi, je retrouve l’émotion que j’avais éprouvé, l’admiration profonde que j’avais ressentie à la lecture de l’appel, quand je sortais à peine de l’adolescence. » Cette admiration ne le quitta plus et devait lui inspirer un ouvrage éblouissant sur le 13 mai 1958 …

 

On souhaite désormais que les éditions Thierry Marchaisse publient un volume consacré à la République « mitterrandienne » !

 

Sylvain Bonnet

 

Michel Winock, Journal politique- la République Gaullienne (1958-1981), Thierry Marchaisse éditions, octobre 2015, 504 pages, 25 €

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On lira avec profit la biographie François Mitterrand de Michel Winock publiée aux éditions Gallimard (2015) en attendant un éventuel tome II .