Histoire du jansénisme, les ombres de Port-Royal

Une vie dédiée au jansénisme

Monique Cottret a soutenu une thèse sur le jansénisme, complété en 1998 par la publication de Jansénismes et Lumières chez Albin Michel. Elle a ensuite approfondi ses travaux sur le siècle des Lumières et a publié un Jean-Jacques Rousseau et son temps, en collaboration avec son mari Bernard Cottret, grand spécialiste de l’histoire anglaise. Elle a aussi collaboré avec Robert Mandrou. Et maintenant posons-nous la question, que se poseront forcément beaucoup de potentiels lecteurs : qu’est-ce que le jansénisme ? Dans le langage courant, « janséniste » est synonyme d’austérité, de dureté et prend souvent un caractère péjoratif. On est loin de l’Augustinus de Jansénius, évêque et théologien vivant dans les Pays-Bas espagnols (l’actuelle Belgique), qui se voulait une réflexion sur la grâce selon Saint Augustin et une réponse au protestantisme calviniste. On l’a oublié mais les jansénistes furent de profonds dévots, dans la ligne de la contre-réforme tridentine.

 

De Port Royal à la révolte des parlements

 

Monique Cottret le montre bien, il n’existe pas un mais des jansénismes, qualificatif employé au début par leurs adversaires. Les amis français de Jansénius accueillirent son livre favorablement car il répondait à leur idéal de vie ascétique, celui mené par exemple par les religieuses de Port -Royal. Celles-ci, issues de milieux nobles et bourgeois, menaient une vie retirée du monde et s’attiraient la sympathie de beaucoup par leurs dons aux pauvres. Bien dépeint par Sainte-Beuve, Port Royal attira de grands esprits comme Racine et surtout Blaise Pascal, qui rédigea une défense des jansénistes. Mal vus de Richelieu, les jansénistes, à tort ou à raison, s’attirèrent la méfiance de Louis XIV qui, après une décennie 1670 plutôt calme, se mit à les persécuter, voyant en eux de potentiels « républicains » et surtout des hérétiques. La persécution culmina en 1709 avec la démolition de Port Royal, l’exil des religieuses et la profanation des tombes des jansénistes : certaines dépouilles finirent à la fosse commune. Le vieux Roi réclama une bulle à Rome pour condamner définitivement le jansénisme: ce fut la bulle Unigenitus et le début de la révolte du Parlement de Paris, attaché à la tradition gallicane et qui voyait là une intrusion illégitime du pape dans les affaires de l’église de France

 

Un long combat

 

La bulle Unigenitus constitue un legs empoisonné de Louis XIV à son successeur. L’église de France se divise, des évêques refusant de la faire respecter ou de demander à leurs curés de signer un formulaire d’adhésion. Si le cardinal de Fleury attendit patiemment le décès des évêques jansénistes, le Parlement de Paris prit fait et cause pour eux, à qui l’église refusait les derniers sacrements. Le petit peuple assista au spectacle des convulsionnaires de saint Médard ou se passionna pour les miracles autour de la dépouille du diacre Pâris. Les jansénistes en vinrent à épouser certains des combats des philosophes et prirent partie en faveur de la tolérance religieuse pour les protestants et les juifs (ainsi de l’abbé Grégoire). A travers ce livre éclate le talent singulier des monarques français à se fabriquer des ennemis… Certains virent en eux des fourriers de la Révolution, Monique Cottret, dans un ultime contre-pied, nous fait en fin d’ouvrage le portrait de jansénistes contre-révolutionnaires comme le magistrat Robert de Saint-Vincent. Voilà en tout cas un livre utile, passionnant sur un courant religieux emporté par l’Histoire mais dont la trace subsiste jusqu’à nos jours : ne furent-ils pas les premiers à vouloir traduire la bible en français, en repartant du texte grec ?

 

Sylvain Bonnet

 

Monique Cottret, Histoire du Jansénisme, Perrin, Avril 2016, 416 pages, 23,90 €

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