Hugues Royer, Et les rêves prendront leur revanche : Des nouvelles qui parlent de nous

Après l’horreur, un peu de bonheur dans l’eau froide. J’avais beaucoup aimé Est-ce que tu m’entends, d’Hugues Royer, roman d’une extrême sensibilité à la limite du surnaturel. Ses nouvelles, Et les rêves prendront leur revanche, ne m’ont pas déçue.

 

Scénariste, journaliste people, auteur de biographies à succès (Mylène Farmer, Cabrel, Vanessa Paradis), Hugues Royer est avant tout un écrivain. De sa plume musicale et élégante, il sonde les âmes, ces petits bleus, ces secrets, ces non dits, ces mal entendus et cette solitude dont nous souffrons dans un monde où la technologie domine. Habitué à fréquenter les stars, cet homme a la tête dans les nuages. « Camille n’était pas à son aise dans ce XXIe siècle » : la première phrase de son recueil pourrait le définir. Ce qui intéresse cet auteur de six romans et d’un récit, Je reviens bientôt (Michalon), c’est ce qui ne se voit pas, se devine : les rêves et les désirs, ces espoirs brisés par l’éducation, les prédateurs, le poids du quotidien.

 

Hugues Royer croit aux miracles, à ces instants de grâce qui nous sont donnés. Cette résistance aux diktats, cette envie de rester soi-même. Ici, les personnages sont des héros qui s’ignorent. Des mal-aimés, des êtres fragiles, parfois déshumanisés ou névrosés. Leur différence est une force. Tout les éloigne des canons de la réussite. Camille est lente, et alors ? Son défaut devient un atout. Son « Apologie de la lenteur », un succès. Hugues Royer a l’art de la nouvelle : à l’image du bon docteur Tchekhov, il mêle tendresse et humour, jusqu’à la pirouette de la chute.

 

L’histoire du canapé en dit long sur cet objet qui unit ou divise un couple. On croise une rousse qui pourrait être Mylène Farmer, un Casanova inhibé lorsqu’il se découvre tout bedonnant, une vieille employée au bord du suicide, une attachée de presse addicte aux réseaux sociaux, une fille qui ne sait pas se servir de son portable.

 

Dans sa dernière nouvelle, Hugues Royer plante un peintre coté en panne d’inspiration qui se réfugie dans une île du Pacifique pour contempler la mer : « Il voulait juste vivre, sentir son cœur battre et ses poumons se gonfler d’oxygène. Ses affres de peinture lui avaient trop longtemps pourri l’existence. Il avait droit à une part de bonheur. »

 

En quête de sens, Hugues Royer ne cesse de s’interroger, pour aller à l’essentiel. Sans doute est-ce par ce qu’il a grandi à la campagne qu’il sait que la terre ne ment pas. Passionné de littérature, monté à Paris pour entrer en khâgne et devenir professeur de philo, il est resté modeste, curieux, avec ce goût des autres qui lui permet d’entrer dans le monde de ses personnages, de les rendre attachants. Celui qui regardait Champs Élysée à la télévision le samedi soir en famille, fasciné par les célébrités, a gardé l’esprit d’enfance. Ce plaisir d’inventer des histoires, petites chansons qui trottent dans la tête. Comme ses personnages, il est disposé à l’inattendu. Ses nouvelles parlent de nous, de cette « part de bonheur » à laquelle nous avons droit. Elles font un bien fou.

 

Emmanuelle de Boysson

 

Hugues Royer, Et les rêves prendront leur revanche, L’âge d’Homme, octobre 2014, 192 pages, 17 €

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