Pretty Deadly, tome 1 - L'écorcheuse

Ginny Face-de-mort est la fille de la Mort, son visage porte un tatouage à l'effigie de son père. Elle chevauche à travers un Ouest mystérieux encore plein de magie, de sorcellerie et violence. Ginny venge les innocents, et traque les coupables. Ginny cherche aussi la rédemption…


De prime abord, on pourrait penser que Pretty Deadly c'est un simple western écrit par un duo de femmes. Et on ferait erreur de croire que c'est là sa seule originalité. La scénariste Kelly Sue DeConnick et la dessinatrice Emma Rios s'emparent de leur sujet avec passion et l'amène bien plus loin qu'un banal western. Pretty Deadly est un mélange de le Far West, le folklore et le conte de fée.


Il y a un petit côté poupées russes narratives dans l'introduction de cet album. DeConnick commence par une fable entre un papillon et un lapin, qui raconte l'histoire de Sissy et Foxy, deux saltimbanques, qui eux-même colportent la légende de Ginny Face-de-mort, une pistolero vengeresse. Un choix assez gonflé pour cette exposition, qui donne une touche particulière à cette histoire, puisqu'on se retrouve en fin de compte avec trois récits imbriqués en un.


DeConnick manipule les stéréotypes des genres, s'amuse parfois à prendre à contre-pied le lecteur, en naviguant régulièrement entre les styles. Il y a là une finesse très étonnante, originale, un ton unique. J'ai parfois pensé en loin à Dead Man, le film de Jim Jamrush, ou à la saga de La Tour Sombre de Stephen King.


La première fois que j'ai vu les dessins d'Emma Rios, c'était chez Marvel sur la mini-série Osborn: Evil Incarcerated (avec déjà DeConnick au scénario). Et son style m'avait frappé, car autant il avait du caractère, autant il paraissait alors mal employé. Comme pas vraiment à sa place. Ou pas totalement efficace. Dans Pretty Deadly, Emma Rios fournit tout le décor, tout le design, et le moins que l'on puisse dire c'est que l'artiste est arrivé à maturité. Pretty Deadly lui doit beaucoup : son trait est précis, les cases sont détaillées, et l'atmosphère qui s'en dégage capte l'attention et saisit parfaitement le ton si particulier de l'histoire. On ne sait pas trop si on est dans un western ou dans un conte, ou même dans un songe. Il y a dans le style d'Emma Rios comme un désespoir poétique et bouleversant. L'empreinte de l'artiste est si forte qu'au bout de quelques pages à peine on imagine mal Pretty Deadly dessinée par un autre. Impressionnant.


En fin de compte, le principal défaut de cet album c'est qu'on va adhérer ou pas. Soit on accepte de se laisser doucement happer par l'ambiance (il faut bien un ou deux épisodes pour cela), soit on ne fera pas l'effort et on passera à côté (honte à vous !).


Pretty Deadly pourrait être une série du label Vertigo. Du mystère, de l'aventure, et une touche de mysticisme et de poésie. Les deux artistes tordent le genre western à pleines mains pour créer quelque chose de neuf et d'étonnant, entre poésie macabre et récit rédempteur. De ce point de vue, on tient ici probablement l'un des comic books les plus radical de l'année. Mais qu'il est bon de tomber ainsi sur des œuvres avec autant de caractère !



Stéphane Le Troëdec




Kelly Sue DeConnick (scénario) et Emma Rios (dessins)

Pretty Deadly, tome 1 - L'écorcheuse

Cet album compile les épisodes 01 à 06 de la série Pretty Deadly publiée aux USA par Image Comics.

Édité en France par Glénat (09 juin 2015)

Collection Comics

160 pages

15,95 euros

ISBN : 9782344008638

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