Bitch Planet, femmes en cage

Bitch Planet, tome 1 – Extraordinary Machine

 

L’espace est notre mère.

La Terre est notre père.

Et si vous êtes si perverses que votre père vous a reniées, vous vivrez  le reste de votre vie dans la pénitence et le labeur sur… Bitch Planet !

 

Dans Bitch Planet (littéralement : La Planète des salopes), Kelly Sue DeConnick réactive le « WiP », pour « Women in Prison* », un sous-genre du film d’exploitation, apparu à la fin des années 60 et peu à peu oublié**. Car ne nous y trompons pas, on retrouve dans Bitch Planet la plupart des codes du WiP : l’arrivée d’une nouvelle prisonnière, la détenue innocente, les combats entre tôlardes, les gardes pervers, la scène des douches, la tentative d’évasion, les scènes saphiques ou sadiques, etc.  Même la charte graphique de la série reprend le style des affiches des séries B grindhouse qui florissaient dans les années 70 : gros titres ou accroches racoleurs et couleurs criardes, le tout souvent imprimés sur un papier de mauvaise qualité avec impression en quadri à la ramasse…

 

Kelly Sue DeConnick nous convie donc à un joli voyage dans le temps nostalgique, mais habilement maquillé par un sous-texte « féministe ». Pour ma part, j’aurais plutôt dit « anticonformiste », car on parle bien de détenues jugées non-conforme par le reste de la société. Sauf que le soi-disant féminisme développé ici me semble pour le moins simpliste : les hommes sont au mieux des lâches, et les femmes sont au pire les victimes du système. Un peu de nuance aurait été la bienvenue…

 

Heureusement, pris pour ce qu’il est, Bitch Planet est donc un très bon comic book « de prison », auquel Kellky Sue DeConnick ajoute une dimension sportive puisque les héroïnes vont participer à une compétition pour essayer de s’évader de la planète où elles sont emprisonnées. On pense alors au film de John Huston, À nous la victoire, dans lequel Sylvester Stallone et Pelé tentent de s'évader d'un camp de prisonniers tout en gagnant un match de foot contre les nazis… Sauf que sur Bitch Planet, il ne s’agit pas de football mais de « Mégaton », un sport de balle vaguement inspiré du football américain où tous les coups sont permis.

 

C’est le dessinateur Valentine De Landro qui se charge d’illustrer les aventures de nos terribles taulardes. On a pu voir dernièrement le travail de ce dessinateur (oui, c’est un homme) sur le tome 5 de Prometheus : Le Feu et la Roche publié chez Wetta Comics, avec déjà Kelly Sue DeConnick au scénario. Un choix judicieux, tant l’artiste donne à chacune des détenues un look et une gestuelle précise. De plus, son découpage dynamique fonctionne très bien dans les scènes d’action.

 

Bitch Planet n’est donc pas vraiment le brûlot féministe annoncé, mais bien une série B très réussie et accrocheuse, comme un film de prison dans un contexte futuriste tout droit sorti de la filmographie de Quentin Tarantino. Ne manque à Kelly Sue DeConnick que son sens inné du dialogue. La fin de ce premier tome laisse présager un second tome bourré d’action (le championnat de Mégaton) et de suspense (l’évasion). Bitch Planet est un très bon titre, qui vient une nouvelle fois prouver que la science-fiction a le vent en poupe sur le marché américain des comic books.

 

 

Stéphane Le Troëdec

 

 

 

* femmes en prison

** Si vous ne connaissez pas le genre WiP, vous pouvez essayer des titres comme : Chained Heart, Women's Prison Massacre, ou The Big Doll House.

 

Kelly Sue DeConnick (scénario) et Valentine De Landro (dessins)

Bitch Planet, tome 1 – Extraordinary Machine

Édité en France par Glénat (4 mai 2016)

Collection Comics

176 pages

16,95 euros

ISBN : 9782344014653

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