Raïssa Maritain, la sainte épouse

Raïssa Maritain, née Oumançoff, une femme écrivain russe et juive, qui consacra sa vie à Dieu aux côtés de son époux Jacques Maritain. Ce couple va tisser des liens avec le milieu littéraire et artistique des années 30. Tout un réseau d'influence où chacun est incroyablement appelé par eux à se convertir au catholicisme.



Raïssa Maritain, c'est Jacques Maritain, et Jacques Maritain, c'est Raïssa Maritain. Deux personnalités jumelles. Le chemin de l'un est inséparable du chemin de l'autre. Ils ont réussi l'union parfaite dans un amour entièrement spirituel. Jean -Luc Barré, leur biographe, les appelle "Les mendiants du ciel", comment mieux parler de leur engagement chrétien, de leur dévouement aux autres ? 
Raïssa, l'âme féminine d'un toit qui abrite aussi Jacques et Véra, la soeur de Raïssa, qui sera toujours présente à leurs côtés. Une vie à trois, parfaitement harmonieuse.



Leur rencontre, on ne sait pas très bien si ce n'est qu'ils sont tombés dans les bras l'un de l'autre. Hiver 1900 ou printemps 1901, on ne sait pas quand exactement... mais une chose est sûre, ils s'entendirent immédiatement et devinrent vite inséparables. 

Toute leur vie, les amis vont défiler chez eux et pas des moindres. Parmi leur entourage proche: Bernanos, l'ami Bloy, Maurice Sachs ou encore Paul VI... Les Maritain étaient de très bon conseillers (artistique, politique ou religieux), des amoureux de Dieu, prêts à guider l'autre, l'artiste dans la voix qu'il a choisi et dans laquelle il excelle. Il leur est même arrivé d'intervenir  sur l'oeuvre de leurs amis artistes. Ainsi  sont-ils responsables de la suppression de certains passages de "Sous le soleil de Satan" de Bernanos. 


Leur influence était bien effective. Par- dessus tout, faire entendre la parole de Dieu et de l'harmonie.

 Et quand ce n'était pas ces rendez- vous, Raïssa qui était d'ailleurs une hôte parfaite, s'adonnait à la prière, au recueillement, au silence, dans une contemplation quasi permanente. Elle faisait partie de ces "êtres mystérieusement occupés d'exister", comment mieux décrire sa vocation religieuse, comment mieux dire ce qu'elle faisait de ses journées. Cette existence entièrement vouée à Dieu était au prix pour Raïssa de la plus dure mort à soi-même. C'était tous deux, Jacques et Raïssa des amants de Dieu, des fous d'amour. Au prix de leur immense solitude dans leur foi. 


"Jacques Maritain avait mes mêmes préoccupations que moi, les mêmes questions le tourmentaient, le même désir de la vérité l'animait tout entier. Mais il avait plus de maturité que moi déjà plus de science et plus d'expérience, plus de génie surtout ! Il devint tout de suite mon grand appui." Et réciproquement. Ils s'épaulaient l'un l'autre dans la tourmente du monde pour plus de liberté, plus d'humanité. Leur combat était le même. Ils le livraient jusqu'au bout, au prix fort. On les attendait, on comptait sur eux, ils n'avaient pas le droit de faiblir.

Raïssa relisait les travaux de Jacques, conseillait, réécrivait. Tous deux passaient aussi beaucoup de temps à écrire à leurs amis leur intimant de se rapprocher de Dieu. 

Par exemple, Maurice Sachs, ami proche du couple, se convertit à la chrétienté. Et c'est en habit de séminariste qu'il écrit ceci à Jacques Maritain, tellement troublé et tiraillé par ses penchants homosexuels: "Il faut savoir une fois pour tout si mon affection pour Tom me damne (...) Il importe par-dessus tout que vous me conserviez une tendresse profonde au fond du coeur que je vous rend de tout le mien." C'est Raïssa qui le rassurera bientôt en l'assurant de pouvoir compter sur eux. Au contact du couple, Sachs s'apaise, se ressource, Dieu est un besoin absolu. Mais sa nature reprend le dessus, le happe. 



"Que les Saints Anges fassent exulter en toi et autour de toi leurs bénédictions et leurs chants ! Ma Raïssa bien aimée, nous n'invoquons pas assez les Anges (...) Ne crains rien, n'aie peur de rien, à cause de toi je n'ai peur de rien. Ton Jacques."

Raïssa et Jacques... Que se passait-il exactement entre eux ? Comment décrire cette union réalisée parmi les Anges ? Peut-on parler d'amitié spirituelle ? d'Amour fou ? Eux qui avaient fait voeu de chasteté... et qui s'aimaient tant. 

A la fois ensemble et chacun dans sa prière: "Le ciel et la terre et les îles. Tout est fait de mon exil." Raïssa, prise, éprise, par le vertige de la foi et de la contemplation. 

"La fin de l'âme contemplative est de se perdre en Dieu, mais le trop plein du coeur s'exhale en chants et en actes." Alors Raïssa écrivait, conseillait, tenait une importante correspondance avec le cercle de leurs amis artistes. Mais qui étaient-ils exactement ? Quelle était la mission qu'ils semblaient avoir auprès de leur entourage. Leur biographe Jean-Luc Barré le dit précisément: 
"Passeurs, messagers, instigateurs ? Ils n'avaient rien fondé, ni école, ni système ou doctrine, suscitant un mode de pleine liberté dans la foi qui reposait sur l'amitié, l'influence de personne à personne; le hasard des rencontres, ce que chacun rapporte, dans le fond de son coeur, de son passage dans une maison où il a été aimé, de la paix de Dieu qu'il y a sentie et dont il n'avait peut-être pas l'idée."



Ainsi vécurent-ils.



Mais comment supporter l'idée qu'un jour l'un parte, que l'autre reste... alors que tout est unité, inséparable depuis le début ? Quel terrible et triste horizon... ce qui arriva finalement, Raïssa partir la première et Jacques Maritain d'écrire: "J'ai perdu, depuis que Raïssa a quitté cette terre, la mémoire de tout le tissu concret de ma vie...". Elle s'est éteinte en 1960, treize années avant lui.

Laurence Viémont

Biographie :
Jean- Luc Barré, Jacques et Raïssa Maritain, Les mendiants du ciel, Stock, 1995
Aucun commentaire pour ce contenu.