La fille de Debussy.

Claude-Emma a douze ans, elle est la fille adorée de Claude Debussy qui vient de mourir. Pour la jeune adolescente, le choc est rude, la peine immense. Des gens  illustres viennent saluer le compositeur, elle se réfugie dans sa chambre.

Seule et triste, elle ne montre pas sa peine. On sent que sa mère n’est pas la personne la plus tendre du monde en ce printemps 1918 où les bombes tombent encore sur Paris. Alors, timidement, elle reprend un journal qu’elle avait débuté à sept ans et abandonné aussitôt pour exorciser son chagrin, continuer à faire vivre son père. Jour après jour, elle livre son quotidien, ses efforts pour jouer les titres parfois ardus de « Petit papa » comme elle nommait le défunt. Elle déteste sa professeur de piano, « La vieille loutre », rentre au lycée Molière, rêve de Marius, un garçon de son âge, qu’elle a rencontré pendant les vacances à  Saint-Jean-de-Luz, devient amie avec d’autres jeunes filles, s’interroge devant les premiers signes de féminité.

Elle a des audaces inouïes pour l’époque : sortir seule se promener  par les soirs de printemps dans les rues entourant son appartement.

L’écriture est une thérapie, la musique également : elle interprète Nocturnes quand le sommeil la fuit, la Berceuse héroïque, la veille d’un départ. Elle se demande si elle co

mprend mieux son père maintenant : « que je l’ai presque entièrement parcouru notes à notes ».

Peut-être, mais là n’est pas le propos de Damien Luce qui s’intéresse plus aux subtiles rêveries d’une jeune fille romantique qu’à un exercice de psychanalyse un peu sauvage.

Claude-Emma, telle qu’il la décrit dans ce journal imaginaire est  délicate et intelligente. Issu d’un milieu brillant où elle rencontre Stravinsky, ou   Ravel, elle sera peut-être navigatrice, poète, cinéaste, compositeur… Aucun rêve ne lui est interdit.

Mais la diphtérie, maladie aussi oubliée que la vie d’une jeune prodige du début du siècle la frappe à l’aube de ses treize ans. « On ne disparaît jamais vraiment » affirme t-elle lors de ses derniers jours et c’est avec un réel talent que Damien Luce fait revivre une adolescente aux idées novatrices, à la légèreté  rafraichissante dans une époque compassée.

L’écriture élégante de l’auteur  se pose sur les pages comme les notes  de Debussy  jouées par sa fille chérie dans l’air pur d’un Paris vu comme un jardin.

Authentique et magnifique, ce roman à rebours des modes se lit d’une traite.

 

Damien Luce

La fille de Debussy

Eho, 152p, 16 euros

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