"Tout pour plaire", l'enfer par Ingrid Desjours

« Le Diable est le père des mensonges. Il n’apparaît pas comme un lion mais comme un ange de lumière »

(Mère Teresa)

 

Avec une science de l’intrigue diabolique, une maîtrise rare de ses personnages et de chacun de leurs points de vue, Ingrid Desjours confirme son statut d’auteur incontournable dans la catégorie thriller psychologique avec Tout pour plaire. Oubliez votre aptitude à deviner et laissez-vous porter par le courant d’une enquête a priori anodine mais qui va conduire chacun des personnages à affronter son propre enfer.

 

Ingrid Desjours s’accapare les règles de la comédie de boulevard et les fait exploser. Prenez une femme et son mari, des amants, des maîtresses, compliquez en tissant des liens de sang croisés et vous obtiendrez un imbroglio propre à perdre le lecteur. David est un coach en performance, homme au succès retentissant : belle maison, belle femme, belle vie. Tout est sous contrôle. N’eût été le retour improbable de Nicolas, le frère qu’il voulait oublier, non pas parce que c’est un junkie, mais pour déjouer le sort qui s’est acharné à en faire son très mauvais démon. A partir de cette situation assez simple — un état de fait perturbé par l’arrivée d’un tiers —, Ingrid Desjours parvient à proposer un roman aux multiples facettes qui implose chacune des certitudes du lecteur sitôt qu’il pense en avoir une solide. Car l’imbroglio domine en maître, et — souvenir du Boulevard — les personnages vont et viennent en claquant la porte : tantôt c’est l’un, tantôt c’est l’autre qui disparaît, qui devient l’actant principal, qui focalise toute l’attention du lecteur pour être abandonné quelques pages plus loin et remisé au rôle de faire-valoir, pour revenir plus fort encore, si bien qu’à la fin, pris dans ce petit drame intime, le lecteur n'a plus aucune certitude, sauf ceci : le tableau initial et idéal cache bien une pourriture intérieure, comme la belle maison mangée de champignons et qui menace ruine. Le parfum vaut le flacon.

 

Pour compléter le tableau familial, le commandant Sacha Mendel, très borderline avec l’IGS à ses trousses, est chargé de l’enquête, alors que sa propre vie va à vau l’eau et qu’il tombe sous le charme de Déborah. Son plus fidèle ennemi, le mafieux Gabriel Strano, splendide figure de diable affable et séducteur, entre dans l’histoire pour prendre à son tour une part non négligeable. Ces deux personnages ne sont pas simplement périphériques à l’intrigue, ils vivent aussi bien que les Pennac et prennent leur part à la qualité générale de ce roman qui promet une belle nuit blanche.

 

En dehors de l’intrigue prenante de bout en bout, ce sont vraiment les personnages d’Ingrid Desjours qui marquent, parce qu’ils sont vivants, parce que l’écriture sans jamais les faire mentir donne à chaque facette de l’histoire leur vérité propre et qu’ils sont tous construits avec beaucoup de soin et d’amour. 

 

 

Loïc Di Stefano

 

Ingrid Desjours, Tout pour plaire, Robert Laffont, octobre 2014, 528 pages, 21,50 eur

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