L'encre, ou la quête de la raison

A l’occasion de la sortie de son beau roman, Encre, rencontre avec l’auteur Fernando Trias de Bes, qui nous dévoile la complexité de son ouvrage qu’il nous défend de prendre à la légère. Ne vous méprenez pas, l’habit ne fait pas le moine, et les divagations fusent au sortir de ces pages.

 

Pour commencer, d’où vient cette belle histoire ?

 

Fernando Trias de Bes. Je ne me rappelle plus exactement. J’ai lu Oceano Mar, de Barrico, et j’ai été fasciné par l’idée du peintre qui utilise l’eau de mer comme peinture, ce sont des toiles blanches qui constituent son catalogue. Ceci m’a donné l’idée d’un livre vierge qui contiendrait les réponses à toutes les questions de l’humanité. Ensuite, j’ai eu l’idée d’une structure circulaire, des personnages qui apparaissent et disparaissent et se passent le témoin, le fait que la protagoniste apparaisse seulement au début et à la fin du roman, bien que ce soit elle qui donne du sens à toute l’histoire, sont un ensemble d’éléments qui ont pris forme petit à petit. J’ai dédié environ 6 ans, avec des périodes d’interruption, à travailler sur ce court roman.

 

Après ces 6 années de durs labeurs, êtes-vous satisfait du résultat final ?

 

Fernando Trias de Bes. A vrai dire je ne retoucherais plus rien, mais non pas parce que je ne le considère pas améliorable, toute œuvre peut être améliorée ! Mais j’ai déjà travaillé tant d’heures sur ce texte qu’il arrive le moment où l’écrivain est incapable d’apporter quoique ce soit de plus significatif. Je suppose que je suis arrivé à ce point où j’ai atteint le meilleur de ce que je pouvais produire.

 

A chaque nouveau chapitre, apparaît une nouvelle focalisation, mais au final on s’aperçoit que l’unique actant c’est le Livre. Est-ce une déclaration d’amour ?

 

Fernando Trias de Bes. En fait, plus qu’une déclaration d’amour, je dirais que c’est l’enchaînement de l’édition. Des personnages qui se passent d’abord un manuscrit, ensuite une correction, puis un premier exemplaire, et des livrent rangés dans une librairie et qui se retrouvent dans les mains d’un ou plusieurs lecteurs. C’est un enchaînement à travers lequel cet unique protagoniste, le livre, est l’objet d’adoration. C’est également l’idée d'Encre.

 

Vous dédiez ce livre à votre femme Maria, ne serait-ce pas une façon de dévoiler votre propre recherche de la raison ?

 

Fernando Trias de Bes. Je lui ai dédié ce livre car elle a toujours adoré cette histoire. Mais il est certain que, comme tout être humain, j’ai mes raisons et mes divagations. Le mystère de la vie, la conscience qu’un jour je mourrai, l’amour, la maladie, la disparition d’êtres chers… Je me pose aussi des questions sur les raisons de ces injustices.

 

En quelque sorte diriez-vous que vous voyez le livre comme une représentation de l’éphémère et comme le témoignage intemporel du savoir ?

 

Fernando Trias de Bes. Oui, c’est une bonne approche. Je présente d’ailleurs dans le chapitre du correcteur, dans sa lettre de suicide, une apologie de l’impossibilité du savoir, une théorie dans laquelle le savoir n’est rien de plus qu’un développement plus ou moins complexe d’identités qui ne conduisent nulle part. Ce qui est paradoxal, de la même façon que dans la publication d’un livre vierge, c’est que finalement cette recherche, ce savoir, bien que stérile, possède une certaine utilité, il remplit une fonction.

 

Alors pensez-vous que la recherche en soi remplit une fonction presque plus importante que le résultat obtenu ?

 

Fernando Trias de Bes. Je ne suis pas sûr qu’elle soit plus importante ou non, mais la recherche en soi, bien que cela paraisse paradoxal, suppose déjà un résultat, chercher a du sens, ceci serait la synthèse.

 

Finalement, êtes-vous satisfait de la réception de votre œuvre ?

 

Fernando Trias de Bes. Bien qu’il le paraisse, ce n’est pas un livre facile. Il est destiné à une minorité. Je sais que les lecteurs l’apprécient, et l’apprécient énormément. Il a été traduit en plusieurs langues et les critiques, sauf quelque exception, sont excellentes. Oui, je suis très content de sa réception. Et le fait qu’il ait été traduit en  français a été pour moi une fierté toute particulière.

 

D’où vient cette attache particulière que vous avez avec le français?       

 

Fernando Trias de Bes. J’ai vécu un certain temps à Paris, j’ai étudié le français et je suis arrivé à le parler convenablement. Je lisais des romans en français et c’est une langue qui m’a toujours fasciné. Le fait qu’un de mes livres soit traduit dans la langue de Molière a toujours suscité en moi un plaisir particulier.

 

Et maintenant, quels sont vos projets?

 

Fernando Trias de Bes. Je travaille sur divers projets en même temps, mais je ne sais pas exactement lequel verra le jour le premier. L’un de ces projets est la biographie d’un poète anglais du XVIe siècle, et c’est celui qui est le plus avancé mais pas pour autant celui que je publierai en premier. Nous verrons bien !

 

 

Propos recueillis et traduits par Elodie Blain

août 2012



Lire l'article consacré à Encre

 

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