Interview (2/2) - Roger Grenier : « Le fond et la forme doivent être inséparables. Et puis il faut trouver sa propre forme »

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— Quels sont les écrivains qui continuent de vous interpeller ?

Tchekhov. Je n’en finis jamais avec lui, malgré le fait que je le lise et le relise. Pourtant, on sait énormément de choses sur lui. Comme beaucoup de Russes, et peut-être plus encore que d’autres Russes, il avait la bougeotte. Donc, il écrivait à ses proches. Il y a des milliers de lettres de lui. Et de fait, on sait à peu près ce qu’il faisait tous les jours. Mais malgré cela, il reste un homme secret.

Sinon, quelqu’un qui n’était pas un écrivain, ou plutôt un écrivain qui refusait de se faire publier : Pascal Pia. Je lui dois beaucoup. D’autres aussi lui doivent beaucoup. Il faisait tout pour être inconnu, méconnu. Nous le considérions comme un génie encore plus grand que les autres, puisqu’au talent, il ajoutait le fait de refuser de publier. Et ce pour des raisons que je qualifierais de totalement anarchistes : il ne voulait pas contribuer à la gloire des beaux-arts nationaux.

Pascal Pia est un orphelin de la Guerre de 14-18. Il ne s’entendait pas bien avec sa mère et s’est élevé tout seul. Il n’a pas fait d’études et est pourtant un des plus grands érudits qui soit. Et ce parce qu’il était doué d’une mémoire monstrueuse : tout ce qu’il lisait, il le savait immédiatement par cœur – pire que Malraux. Il connaissait par cœur toute la poésie du XVIe au XVIIIe siècle… tout comme les résultats des élections cantonales depuis le début de la IIIe République ou les résultats des matches de boxe. Il a fait trente-six métiers, pas toujours avouables d’ailleurs. Il a publié de la littérature sous le manteau, c’est-à-dire de la littérature érotique. Il a chanté dans les cours avec Malraux, ce qui est un épisode peu connu de la vie de Malraux.

 

— Il est pourtant entré dans l’Enfer de la Bibliothèque nationale et a eu une carrière d’érudit.

Oui, et les érudits le tenaient en très grande considération. Il a fait des journaux, tenu une loterie de sucre sur les boulevards… des choses incroyables ! Et il a été envoyé à Alger, pour faire un journal de gauche, en 1938. Comme il n’avait pas beaucoup d’argent, il a recruté des débutants… et l’un d’entre eux était Albert Camus. Pia découvre avec stupéfaction un jeune homme qui écrit sur l’absurde, et Camus découvre avec stupéfaction un homme qui est l’incarnation vivante de l’absurde. Cela a créé une très grande amitié. Pia s’est beaucoup donné de mal pour Camus. C’est lui qui, sous l’Occupation, a fait parvenir chez Gallimard, par des voies très compliquées, les premiers manuscrits : Caligula, Le Mythe de Sisyphe et L’Étranger. Puis Pia a embringué Camus dans la Résistance, dans le Combat clandestin, et ils ont préparé le Combat qui parut au grand jour à la Libération. Leur amitié n’a d’ailleurs pas survécu à Combat.

 

— Il y a toujours une forme de tendresse des écrivains vis-à-vis de Pascal Pia.

En même temps, ce n’était pas un saint. Il a parfois fait des choses qui m’ont choqué.

Il aimait beaucoup la formule de Baudelaire qui voulait que l’on ajoute à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen le droit de se contredire et le droit de s’en aller. Encore que le droit de s’en aller ait un double sens et veuille aussi dire le droit de se suicider.

À la Libération, il n’avait pas la quarantaine, et il y avait déjà toute une légende autour de lui. On racontait toutes sortes d’aventures. Il avait été soldat au troisième zouave – moi aussi d’ailleurs – où un adjudant lui avait cassé une bouteille sur la tête ; il avait été un peu complice de Malraux pour les histoires d’Indochine, etc.

 

— Comme Malraux, il avait un côté « faussaire »…

Complètement. Il a tout de même réussi à faire de faux Baudelaire qui ont été recueillis dans la Pléiade !

En même temps, si on lui présentait les choses comme une machination avec plein de complications, il y croyait, devenait dupe. C’est comme ça qu’il a marché dans l’histoire du fameux faux de Rimbaud.

 

— Et parallèlement, il avait ce côté très intègre.

Oui. C’est vraiment très étrange. En même temps, il avait beaucoup d’humour.

Il passait dix-huit heures sur vingt-quatre au journal, où il arrivait avec ses pantoufles et un thermos de café. Un jour, il avait dit à un copain : « Quand il n’y aura plus mes pantoufles, c’est que je ne serai plus là. » Un jour, il n’y a plus eu ses pantoufles… Il avait soi-disant pris des vacances pour la première fois, et il a envoyé un télégramme : « Je ne reviendrai pas, démerdez-vous. »

 

— Il y a une énigme Pascal Pia.

Complètement.

Il revendique le droit au néant, mais on ne lui laisse pas la paix : on fouille sa mémoire. C’était vraiment un étrange personnage.

 

— On vient souvent vous voir à propos de Camus. Cela ne finit-il pas par vous agacer ?

Camus n’a pas beaucoup voyagé, mais moi, il m’a fait faire le tour du monde. Partout où je vais, on me demande de parler de lui. Et tous les gens qui viennent visiter Gallimard demandent avant toute chose de visiter le bureau de Camus. Or, ce bureau n’existe plus.

Effectivement, c’est un peu lourd. Mais je lui dois ça. Je me souviens d’un jour où je suis arrivé en retard à France Soir. Le secrétaire me demande où j’étais, m’explique qu’on me cherchait partout. Ils me cherchaient parce qu’ils voulaient l’adresse de Pia. Je demande pourquoi. « Tu ne sais pas ? Camus est mort. » J’ai eu l’étrange réflexe d’aller à l’atelier avec les typographes – parce qu’il était très bien avec eux. Et nous sommes restés ensemble un moment. Ils m’ont dit : « Si tu écris sur lui, dis que nous étions ces copains. »

La camaraderie comptait beaucoup pour lui. Il aimait le football, le théâtre, le journalisme… toutes les choses collectives et spectaculaires. Au football – qu’il a arrêté très vite puisqu’il était atteint de tuberculose –, il était gardien de but. Il y a là un côté théâtral : il était dans une cage comme sur une scène de théâtre. Ce lieu est l’endroit le plus spectaculaire d’un terrain de football.

 

— Vous racontez que pour le discours du prix Nobel, il vous a réservé une drôle d’« avant-première »…

Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, sa réputation était au plus bas. Il était méprisé par l’Université, fâché avec le groupe de Sartre, Les Temps modernes, les surréalistes… même Pia avait écrit un article vachard sur La Chute. Et le prix Nobel ajoutait à cela. On disait que le Nobel couronne une œuvre terminée, bien pensante, etc.

Chez une amie de la Résistance, Jacqueline Bernard, qui avait été le pivot du Combat clandestin et qui continuait à aimer Camus – et aussi Pia, ce qui la déchirait –, nous avons bu un verre quelques jours avant la remise du Nobel. Camus nous a dit : « Voilà ce que je vais dire à Stockholm. » Et il s’est mis à paraphraser L’Ecclésiaste !

 

— Un jour, à la Sorbonne, vous vous êtes retrouvé en terrain de réconciliation entre les lecteurs de Camus et ceux de Sartre.

C’était une nouvelle génération, qui a organisé un colloque de réconciliation entre sartriens et camusiens. J’en étais le doyen. Ils ne comprenaient pas : j’étais à Combat et j’écrivais dans Les Temps modernes… ! Je leur ai notamment expliqué qu’au début des Temps modernes, il y avait des gens qui étaient à l’opposé de Sartre… avant que cela ne se restreigne au petit noyau des amis de Sartre. C’est aux Temps modernes que j’ai connu Boris Vian…

 

— Et comment avez-vous perçu Malraux ?

Je n’avais pas de bonnes relations avec lui.

Quand il a été ministre pour la première fois, c’est moi qui ai fait le compte-rendu de sa première conférence de presse. Cela ne lui a pas plu. Alors il a décroché son téléphone et a appelé son ami Pascal Pia. C’était le bon côté de Pia et Camus, qui soutenaient leurs rédacteurs : Pia l’a envoyé promener.

 

— Une activité vous a tenu à cœur : la photo.

Depuis toujours. Dans la famille, tout le monde avait son appareil photo. J’ai même travaillé tout un été dans un labo. Autrefois, quand on trempait la pellicule dans un bain révélateur et qu’on voyait apparaître la photo, c’était assez magique.

Il y a une chose dont j’ai peu parlé dans mon livre, mais dont j’ai beaucoup parlé par ailleurs, c’est que j’étais très intime avec le photographe Brassaï.

 

— Vous avez même été l’un des rares à le photographier !

Oui. Lui ne m’a pratiquement jamais photographié… mais je l’ai pas mal photographié. Même dans sa chambre d’hôpital transformée en labo.

Brassaï avait épousé une de mes amies d’enfance. Étant hongrois, il n’avait pas de famille en France… et nous lui avons servi de famille. C’était un personnage fascinant qui pouvait rester une heure entière à vous raconter des histoires. Il était très intelligent. Il n’était jamais là où on l’attendait. On voulait qu’il fasse des photos : il se mettait à faire une collection de timbres. On voulait qu’il fasse de la sculpture : il se mettait à écrire. Etc.

Suite à une alerte cardiaque, il avait été hospitalisé à Saint-Joseph. Et sa chambre est devenue un labo. C’était tout juste si le lavabo n’avait pas été transformé en bac de développement. Il y avait des livres, sa machine à écrire, des paperasses, il avait collé des photos sur tous les murs…

Je crois beaucoup aux hasards de la vie. Après la Libération, j’étais dans un hebdomadaire qui s’intitulait Volontés. Une amie de la région de Pau, Gilberte, est venue me rejoindre à Paris pour que je lui trouve du travail. On l’embauche comme archiviste-documentaliste. Un jour, le coursier était absent parce que sa femme était en train d’accoucher. Et nous demandons à Gilberte d’aller chercher des photos chez Brassaï… Voilà toute l’histoire. Gilberte, qui était un peu comme une sœur pour moi, est devenue la femme de Brassaï.

 

— Vous parlez de la photo et de la littérature, par exemple de Balzac qui se méfie d’être pris en photo…

Aux débuts de la photo, soit les gens ont très vite adhéré, soit ils ont rejeté le procédé avec violence… Ce fut le cas de Baudelaire qui disait que tous les imbéciles allaient se prendre pour des peintres. Pour autant, la photographie a beaucoup servi aux peintres, à commencer par Delacroix, mais aussi Ingres… La plupart d’entre eux se sont aidés de la photo.

J’ai souvent constaté que plus les gens sont vilains, et plus ils aiment se faire photographier. Ce fut le cas de Schopenhauer qui, chez lui, mettait des photos de lui et de ses chiens.

La photographie est aussi un grand soutien pour la mémoire.

Proust était un maniaque de la photo. Dès qu’il s’intéressait à quelqu’un, il demandait sa photo. Et si la personne ne voulait pas la donner, il allait jusqu’à la faire voler. Brassaï a justement écrit un livre sur Proust et l’emprise de la photographie. Il montre comment, dans son style narratif, il était influencé par la photographie. Un exemple. Prenez Saint-Loup qui sort furtivement d’une maison : ce n’est pas du tout un travelling cinématographique, mais une série d’instantanés que nous donne Proust.

 

— Ce qu’il reste d’une photo, c’est souvent un sourire… donc de l’éphémère…

Si c’est une jolie fille, oui, il reste effectivement son sourire…

 

© Louis Monier


— Vous parlez aussi des photographes de presse, avec lesquels vous avez collaboré.

Les premiers paparazzis. Je les ai vus faire des choses abominables.

Il y a eu une polémique parce que François Mauriac avait écrit un grand article pour stigmatiser ceux qui étaient allés photographier Dullin mourant à l’hôpital. J’ai eu envie de répondre en demandant ce que faisait Mauriac sinon épier la vie des gens…

 

— Vous évoquez également le studio Harcourt.

Ce studio fait des photos très solennelles de célébrités. C’est tout un cérémonial : c’est près des Champs-Élysées, il y a des salons, on vous maquille, on vous peigne… Et le résultat est figé.

J’ai eu le droit, une fois, d’être photographié chez Harcourt. Cela m’a horrifié. J’ai donné le cliché à ma mère, qui était très contente !

 

— Willy Ronis parle du « moment juste » en photographie.

Je crois qu’il a raison.

En littérature, c’est différent. Parfois, on est content parce qu’une phrase tombe juste. Mais on peut toujours corriger. C’est différent. C’est un travail de fabrication. La photo, quand elle est prise… elle est prise !

 

— Selon vous, l’écriture nécessite d’être fidèle à soi-même, d’être juste.

Cela n’est pas venu tout seul. C’est même très long. J’ai débuté après la guerre, dans la période que l’on appelait, à tort ou à raison, « existentialiste », et qui en fait était un nouveau naturalisme. Les gens écrivaient n’importe comment, à l’instar de Beauvoir. Ce qui leur importait, c’était le fond, pas la forme. À l’opposé, il y avait la bande à Nimier, qui s’occupait très peu du fond, mais était très soucieux de la forme.

Je crois qu’il faut arriver à une fusion. Le fond et la forme doivent être inséparables. Et puis il faut trouver sa propre forme. Maintenant, quand j’écris, à la relecture, je me dis tout à coup : « Ça, ce n’est pas moi. Je l’enlève. » Ce n’est même pas un souci de vérité : c’est presque un souci musical.

 

— Vous avez pratiqué la musique.

Oui. J’ai fait du solfège, quinze ans de violon… Finalement, l’écriture et la musique sont très comparables.

J’ai constaté quelque chose à l’apparition des ordinateurs. Initialement, je me suis dit que c’était très bien, que cela allait permettre de couper tant qu’on voulait. Je me suis lourdement trompé. C’est le contraire qui s’est produit : ça s’est mis à dégouliner ! Les gens étaient tellement contents, moins sévères avec eux-mêmes, qu’ils y allaient. Les manuscrits sont désormais nettement plus gros.

 

— Homme de radio, vous avez fait la toute première interview de Françoise Sagan.

J’ai un peu honte. Elle avait 18 ans, venait d’écrire Bonjour tristesse, et j’ai un peu fait le pion. Je lui ai demandé ce qu’elle faisait comme études, ce qu’elle avait déjà lu, etc.

 

— Il y a ensuite eu beaucoup de rendez-vous manqués.

J’ai toujours été obligé de rengainer ce que j’ai écrit sur elle !

La première fois, à la publication de Bonjour tristesse, l’attachée de presse de Julliard m’a prévenu que Match allait faire six pages avec des photos et qu’ils voulaient être les seuls à écrire à son sujet. Par amitié, j’ai donc remisé mon article par-devers moi.

 

— Vous parlez également de Montherlant, qui écrivait les questions et les réponses.

Montherlant, c’était très pratique : il arrivait avec un papier sur lequel il avait effectivement tout écrit, questions et réponses. Il était très au point. À l’époque, quand on enregistrait, on était debout. Il laissait délicatement tomber les feuilles par terre lorsqu’il avait fini de les utiliser pour ne pas faire de bruit. Je voyais l’assistante, qui était une grande bibliophile, lorgner sur ces papiers. Mais l’émission finie, Montherlant s’est baissé, a ramassé tous les papiers, et les a remis dans sa serviette.

Il était très admirateur de lui-même. Pourtant – précisons que je l’ai connu sur la fin de sa vie –, il me donnait une impression de solitude, de désastre. Un jour, pour la radio, je me suis rendu chez lui, quai Voltaire. Lorsque j’ai sonné, il est venu m’ouvrir avec une bombe d’insecticide à la main. Dans le salon, au-dessus de la cheminée, à la place du miroir, il y avait un trou béant et tout noir… C’était d’une tristesse abominable. J’étais tellement perturbé qu’en sortant de chez lui, le pont du Carrousel était en travaux… et je me suis étalé dans le goudron frais.

 

— Vous avez fait des enregistrements radiophoniques : Hemingway…

Après son suicide, qui est intervenu juste avant l’ouverture de la feria de Pampelune à San Fermin, il y a eu une sorte de rassemblement spontané de tous les vieux copains d’Hemingway. Ils ne se sont pas quittés et ont communié ensemble dans le souvenir d’Hemingway au cours de la feria. Son matador préféré, Ordoñez, a faire dire une messe à la chapelle San Fermin de l’église San Lorenzo… et j’ai enregistré cette messe pour RTL.

Quand je réécoute cet enregistrement, je me trouve un peu ridicule : j’ai l’impression de parler comme Léon Zitrone.

 

— On vous prend souvent pour le témoin de la dernière heure.

« Il n’y a plus que toi qui as connu… » J’entends cette phrase très souvent.

Ce qui est terrible, c’est que mes meilleurs amis sont tous morts. Je regrette particulièrement Claude Roy. Nous étions vraiment très proches. Chaque Noël, il m’offrait un album de photos.

Même chez Gallimard, qui fête son centenaire cette année, je suis le seul à avoir vu Gaston Gallimard tous les jours pendant dix ans. Son bureau était en face du mien. Dès que je recevais une dame, il se précipitait dans mon bureau après l’entretien et me demandait qui elle était !

 

— Ce rôle chez Gallimard a été important pour vous. En fait, vous êtes un accompagnateur de manuscrits, d’œuvres.

Cela a beaucoup changé depuis mon arrivée dans ce métier. Autrefois, je comparais volontiers le lecteur à un goûteur du temps des rois : s’il se léchait les babines, c’était bon, mais s’il se roulait par terre en convulsions, c’était empoisonné. C’était tout. On ne suggérait aucune correction. D’ailleurs, les auteurs ne l’auraient pas admis.

Maintenant, c’est le contraire. D’ailleurs, on ne dit plus « lecteur », mais « éditeur ». C’est un dialogue permanent. Et puis il y a un investissement affectif tel, quand on écrit, que ces relations ne sont pas indifférentes. J’ai vu débarquer des auteurs chez moi le dimanche, à 9 heures du matin, pour savoir ce que je pensais de leur manuscrit !

 

— Vous êtes un peu le frère, le père, l’accompagnateur…

Le psychanalyste, la maman… tous les rôles.

 

— Terminons avec votre chien : Ulysse. Le choix de son nom était-il volontaire ?

Pas du tout. Vous le savez sans doute, chaque année, le nom des chiens commence par une lettre différente. Ce chien était né l’année des « U ». Je voulais l’appelait Ubu. Mais les gens du collège de ‘pataphysique m’ont interdit de l’appeler ainsi, disant que ce n’était pas respectueux. Alors on m’a fourni une liste immense de noms commençant par « U », et j’ai finalement choisi Ulysse.

 

— Et il a été interviewé à la radio… !

Il avait des réflexes. Il aimait beaucoup aller chez Gallimard. Il savait, dans chaque bureau, dans quel placard se trouvaient des gâteaux. Et quand je disais « Gallimard », il aboyait.

Un jour, je l’ai amené à la radio. Je lui ai demandé : « Ulysse, tu aimes Grasset ? » Il n’a pas réagi. « Ulysse, tu aimes Gallimard ? » Et là, cela a été une série d’aboiements frénétiques. Bref, une mauvaise plaisanterie.

Mais Ulysse a fait des tas de choses. Un jour, Claude Chabrol, avec qui j’ai fait quelques films, m’a téléphoné : « Ce n’est pas toi dont j’ai besoin : c’est de ton chien. » Et en effet, il a joué dans Les Folies bourgeoises.

 

— La fidélité semble très importante dans votre vie.

Je ne prétends pas être fidèle… mais à Ulysse, oui.

 

Propos recueillis par Valère-Marie Marchand (Juin 2001)

 

Roger Grenier, Le Palais des livres, Éditions Gallimard, janvier 2011, 164 p., 16,50 €

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