"Midi-Minuit fantastique" : l'intégrale de la revue, entretien avec Nicolas Stanzick


Cinema bis repetitum placet


Réimpression impressionnante, revue et complétée, du magazine Midi-Minuit Fantastique, qui fut dans les sixties le panache blanc de tous ceux qui trouvaient au cinéma populaire des attraits qui faisaient défaut au cinéma respectable. Nicolas Stanzick explique comment il a pu mener à bien ce « projet fou » avec la complicité de Michel Caen, membre fondateur de MMF.

Aujourd’hui, ces messieurs ont droit au tarif seniors quand ils vont au cinéma, mais, au début des années soixante, ils avaient tout juste vingt ans et l’élan un peu inconscient propre à leur âge. Ils avaient tous envie de lire une revue qui avait le défaut de ne pas exister. Alors ils la créèrent.

Ils la nommèrent Midi-Minuit, en référence à cette salle des Grands Boulevards qui programmait les films chers à leur cœur, et qui était elle-même nommée ainsi tout simplement parce qu’elle était ouverte de midi à minuit. C’était encore l’époque où les cinémas attiraient le chaland au moyen de grands panneaux peints inspirés des affiches des films, mais bien plus grands que celles-ci. Les panneaux du Midi-Minuit étaient de loin les plus provocants, avec leurs vampires, leurs loups-garous et leurs demoiselles en détresse et en petite tenue.

Cet univers faisait rêver, mais, précisément parce qu’il touchait à l’inconscient, il avait mauvaise presse. Midi-Minuit Fantastique (l’ajout de l’adjectif clarifiait les choses et plaçait d’une certaine manière l’aventure dans le sillage du surréalisme) allait être sa bonne presse et faire œuvre pédagogique, dans le bon sens du terme. La revue légitimait les goûts du public qui se passionnait pour le comte Dracula ou pour les momies. Elle lui disait qu’il n’avait pas à avoir honte d’aimer ce cinéma-là, puisque ce cinéma-là était souvent beaucoup plus créatif que le cinéma respectable.

La partie, bien sûr, ne fut pas gagnée tout de suite, comme le montre le terme « cinéma bis », apparu dans les années soixante-dix pour désigner un certain cinéma populaire et encore en vigueur parfois aujourd’hui. Mais les choses évoluèrent, et la courbe de la valeur marchande des numéros de MMF est là pour le prouver. On peut, d’un point de vue graphique, distinguer deux périodes dans l’histoire de la revue : la première maquette, monochrome, s’apparentait à celle de Positif ; la seconde, d’un format plus large, ne craignait pas d’attirer l’œil en jouant sur les contrastes de couleurs — la couverture Dracula et les femmes ou la couverture Mister Freedom sont restées ancrées (encrées ?) dans les mémoires. Mais du point de vue marchand, trois périodes se dégagent : celle de la publication originale des numéros ; celle des soldes : pendant une bonne décennie, on pouvait se procurer pour une somme dérisoire des numéros de MMF dans toutes les boutiques de livres à prix réduit du Quartier Latin ; et celle où, le filon se tarissant, les mêmes numéros qui s’étaient vendus deux ou trois francs valaient désormais plusieurs dizaines d’euros chacun et n’étaient même plus « feuilletables », puisque les bouquinistes ne les présentaient plus que protégés dans des pochettes plastiques.

Victoire, mais victoire un peu amère, puisque MMF, qui avait été comme la Nuit du 4 août du cinéma populaire, devenait de facto une affaire d’aristocrates…

Mais est arrivé Nicolas Stanzick, jeune homme naïf et dangereux, qui, à force d’avoir vu Christopher Lee renaître de ses cendres dans les Dracula, est convaincu que les résurrections sont possibles et ne craint pas d’aller chercher midi(-minuit) à quatorze heures. Après s’être penché, il y a quatre ans, sur la manière dont les films de la très britannique Hammer avaient été reçus en France au moment de leur sortie (Dans les griffes de la Hammer, éd. Le Bord de l’eau), il a, avec l’aide de grands ancêtres fondateurs de MMF tels que Michel Caen ou Jean-Claude Romer, persuadé un éditeur de republier tous les numéros de la revue sous la forme de quatre luxueux coffee-table books. Luxueux, mais financièrement abordables : le premier volume vient de sortir ; il coûte 58 euros. C’est beaucoup ? Ce n’est pas grand-chose par rapport à tout ce qu’il contient et à tout ce qu’il apporte sur son papier glacé. Plus de six cents pages agrémentées d’un dvd composé de courts-métrages et d’entretiens midi-minuistes. Méfiez-vous : il n’est pas exclu que, dans vingt ans, cet ouvrage coûte dix fois plus cher.


Comment est née l’idée de cette réédition de la revue Midi-Minuit Fantastique ?

Elle est née dans le sillage de mon livre Dans les griffes de la Hammer. La sortie de celui-ci avait donné lieu, en janvier 2011, à une exposition à la médiathèque Marguerite Duras, dans le XXe arrondissement. Le soir du vernissage, la moyenne d’âge était entre vingt-cinq et trente ans. Il y avait sur les panneaux des retirages que j’avais fait faire de photos de plateau de la Hammer et des agrandissements de certaines couvertures de MMF. Il est vite apparu que c’étaient ces couvertures qui fascinaient le plus les visiteurs. Rien à voir avec un goût pour le vintage sixties : la majorité d’entre eux n’avaient jamais entendu parler de MMF. Mais nous avions là une manifestation évidente de cette permanence des mythes que Jean Boullet avait définie dès le premier numéro de la revue.

Michel Caen m’avait fait le plaisir d’être là. Face à ces réactions du public, je lui ai dit, sans préméditation : « Il faudrait peut-être envisager un projet autour de Midi-Minuit Fantastique. » « Voyons-nous donc à déjeuner la semaine prochaine », m’a-t-il répondu.

Nous avons tout de suite penché pour une réédition intégrale de tous les numéros. Pas de best of. Nous avons conservé même les pages de publicité de l’époque, parce qu’elles font partie du « voyage ». Mais nous avons exclu aussi le principe d’un simple reprint. Il fallait retrouver ce qu’avait été MMF, mais aussi transmettre MMF à une nouvelle génération. Le démocratiser, y compris au niveau du prix : il faut compter entre 300 et 400 euros si l’on veut acquérir aujourd’hui les six premiers numéros. Nous avons recherché un équilibre. Tous les textes ont été ressaisis, un nouveau format a été choisi, permettant d’intégrer les deux formats originaux de la revue, l’orthographe a été revue et corrigée, les titres de films ont été uniformisés, puisqu’ils étaient donnés parfois en français, parfois en anglais ; mais il ne fallait pas tourner le dos à la maquette d’origine. Nous avons restauré les éléments graphiques (couvertures, pavés de presse, typos…) ; nous avons, en puisant dans la collection de Michel Caen ou avec l’aide de documentalistes tels qu’Alain Venisse ou Daniel Bouteiller, retrouvé les photos originales. Mais ces recherches nous ont amenés à découvrir des documents inédits et à concevoir une édition « augmentée ». Parmi les ajouts, il y a le roman-photo de Dracula (enfin dans sa version intégrale) ; l’interview de Fellini sur la bande dessinée ; les photos, dénichées en Angleterre, de Marie Devereux nue ; un texte que je signe sur un chef-d’œuvre oublié du cinéma français, Fantasmagorie, de Patrice Molinard (beau-frère de Georges Franju) avec une fascinante Édith Scob en femme-vampire sévissant dans une étrange Transylvanie val-d’oisienne… Et puis un DVD d’archives, la Télévision des Midi-Minuistes, regorgeant de courts métrages, de documentaires, etc.


Qu’est-ce qui attire un trentenaire comme vous vers cette lointaine période des sixties ?

Je ne suis pas un témoin. Ma démarche est celle d’un historien. Avant d’être un livre, Dans les griffes de la Hammer était une maîtrise d’histoire contemporaine réalisée à la Sorbonne. A travers mes recherches, j’avais découvert l’existence d’un monde mythique. Pas seulement cinématographique, mais aussi cinéphile. J’ai donc voulu le retrouver, le prolonger ; bref, j’ai voulu, non seulement rendre accessibles ces grands textes de MMF, mais me lancer dans un vrai travail patrimonial. D’où l’idée de cette intégrale augmentée.

A l’origine de mon goût pour la Hammer, il y a une frustration — n’est-ce pas ainsi que naissent bien des passions ? J’avais sept ans et j’étais au cours préparatoire quand j’ai découvert un jour dans Télé-7-Jours une reproduction de l’affiche du Cauchemar de Dracula, qui devait être présenté dans le cadre de « la Dernière Séance » : Christopher Lee y apparaissait à la fois en aristocrate racé jusqu’au bout des ongles et en bête fauve sidérante, pure pulsion faite homme… Instinctivement, j’ai associé cette image à une autre image, qui m’avait marqué dans le Retour du Jedi, que j’avais dû voir deux ans plus tôt — le moment où Dark Vador enlève son terrible masque et révèle un visage, non pas effrayant, mais émouvant. Cela a été ma première expérience de « la permanence des mythes » et la naissance de mon goût pour les monstres, pour ces personnages qui toujours souffrent d’une dualité irrésolue. Fasciné, j’ai donc voulu voir ce Cauchemar de Dracula. « Un film d’horreur ? Tu as sept ans. Et ça passe à 22h ! » Refus de mes parents. Frustration chez moi, et naissance d’un désir.

Cette anecdote fondatrice pour moi est un peu la raison d’être de la citation de Borges en exergue de l’introduction que j’ai écrite pour cette réédition : « Midi-Minuit Fantastique has risen from the grave ». Borges explique que le cinéma, tout comme la tragédie grecque, raconte sempiternellement les dix mêmes histoires. Pas moyen d’échapper à la permanence des mythes. Mais, si les mythes se transmettent, c’est parce qu’à chaque génération, malgré le respect scrupuleux de structures immuables, ils se chargent de nouvelles significations. On a jadis reproché à Terence Fisher de refaire Dracula, et Frankenstein, après Tod Browning et James Whale. Mais Fisher, sur ces pensers anciens, a fait des vers nouveaux…


Quelle est la part des illustrations nouvelles dans l’ouvrage ?

Il doit y avoir dix à vingt pour cent d’ajouts. Une chose en a entraîné une autre. Les tableaux de Félix Labisse avaient été originellement publiés en noir et blanc. Il était logique de les passer aujourd’hui en couleur. Mais quand ces touches de couleur sont apparues dans le numéro deux, nous nous sommes dit qu’il faudrait, pour homogénéiser l’ensemble, mettre aussi des touches de couleur dans le numéro un. J’ai donc ajouté des affiches. J’ai découvert, quand je me suis mis en rapport avec Lionel Faucher, un collectionneur passionné par King Kong, qu’il avait dans ses archives le dossier-presse français original, datant de 1933. La publication d’une pièce comme celle-ci permettait de mener jusqu’au bout la démarche entamée par MMF à l’époque.


Permanence des mythes, sans doute… Mais ne peut-on pas dire que l’absence de femmes dans l’univers de MMF trahit malgré tout son âge ?

MMF misogyne ? Certes non. La séquence présentée par Michel Caen comme la plus belle séquence du cinéma d’après-guerre est celle du Cauchemar de Dracula où Lucy attend, pâmée sur son lit dans son déshabillé bleu turquoise, la venue du Comte. Revoyons cette séquence aujourd’hui : nous nous apercevons que le Comte Dracula en est précisément le grand absent. Ce personnage est donc avant tout un fantasme féminin de libération. L’image de Dracula permet à Lucy d’échapper à la phallocratie bourgeoise et mâle de son inintéressant fiancé, Jonathan Harker. Une Messe pour Dracula, de Peter Sasdy, allait présenter plus tard des variations sur le même thème, mais avec moins de subtilité dans la logique érotique : au moment où Dracula devrait apparaître, Fisher coupe. Sous la plume de Michel Caen, le Cauchemar de Dracula apparaît pour ce qu’il est : un véritable appel à l’orgasme, qui vaut pour les femmes comme pour les hommes. Le signifier ainsi en 1962, dans une France gaulliste ivre de confort moral, c’est proclamer un « jouir sans entrave cinéphile » qui fait de MMF une avant-garde de Mai 1968.

Si vous voulez parler de l’équipe de rédaction de MMF, celle-ci a fini par inclure une femme. Geneviève Colange avait écrit les plus belles lettres du courrier des lecteurs ; elle a en définitive collaboré officiellement à la revue.

De ce point de vue, MMF c’est d’abord et avant tout une affaire de « traversée du miroir » Lorsqu’on lit la revue aujourd’hui, au-delà de la qualité littéraire des textes, de la force de leurs analyses ou de leur poésie, on a d’abord l’impression de le lire le récit d’aventures cinéphiliques au diapason des aventures projetées sur l’écran. La rencontre avec les maîtres de la subversion fantastique valait bien les affronts infligés par Peeping Tom et les monstres de la Hammer à l’ordre moral. Le destin des uns et des autres en témoigne. Jean-Claude Romer est devenu une sorte d’homme-livre à la Fahrenheit 451 qui aurait englobé toutes les cinématographies du monde. Alain Le Bris, lui, s’est aventuré très loin, sur le chemin des paradis artificiels – c’était sa conception du fantastique. Ce n’est un secret pour personne, certains de ses textes ont été écrits après absorption de substances hallucinogènes. Jean Boullet s’identifiait aux monstres. Les multiples opérations chirurgicales qu’il subissait pour se faire refaire le visage ont conduit à cet hybride qu’on voit dans le dvd qui accompagne l’ouvrage, croisement entre Brian Jones et Andy Warhol digne des expériences les plus folles du Docteur Moreau. Michel Caen, enfin, est évidemment le héros noir de toute cette aventure. Il est celui qui a poussé le plus loin la quête surréaliste de l’Amour fou. Au terme de son parcours midi-minuiste, il y a eu la femme fantasmée, Barbara Steele, celle pour laquelle il avait créé MMF dans l’espoir fou de la rencontrer un jour. Mais aussi la femme épousée, Geneviève Colange. De ce point de vue, MMF est le meilleur antidote possible contre les pires travers de ce qu’on appelle aujourd’hui la geek culture, qui trop souvent transforme les géniaux amateurs et les aventuriers de la marge en tristes spécialistes, en adeptes du classement, de la règle, de la frontière… Toute la modernité de la revue, son attrait sur les lecteurs de vingt ans aujourd’hui, en 2014, résident là. Pour en revenir à votre question, les femmes ont d’abord été présentes dans la « ligne de mire » de MMF, mais elles ont fini par rejoindre la rédaction.


On croise ici ou là les signatures d’Yves Boisset ou de Jean Rollin, mais, étrangement, aucun membre du « noyau dur » de MMF n’est devenu cinéaste…

C’était sans doute le but des gens des Cahiers, ou, plus tard, de certains membres de Starfix. Ce n’était pas le leur. Michel Caen — le seul rédacteur en chef mineur d’une revue interdite aux mineurs ! —, était d’abord un homme de presse à l’américaine : après MMF, on lui doit la création d’une des meilleures revues photo jamais publiées, Zoom, puis de Vidéo-News, bien avant l’âge d’or de la VHS… L’ambition du premier cercle midi-minuiste n’était pas de faire des films, mais, comme je l’ai dit, plutôt de vivre des aventures aussi fantasmagoriques que celles de l’écran. Lorsque Caen écrit, à propos de la Féline : « Souhaitons maintenant rencontrer des femmes-léopards, des femmes-panthères dans notre vraie vie », cette déclaration pourrait sembler un peu nunuche, mais elle ne l’est pas, puisque le projet a été mis à exécution : la love story avec Barbara Steele a bel et bien eu lieu. Il y a là un héritage assumé du surréalisme, mais un aussi un trait propre aux sixties et à la contre-culture. Les rédacteurs de Rock & Folk à partir de 1966 peuvent revendiquer quelque chose de similaire. Idem pour Lester Bangs aux États-Unis, qui a littéralement inventé la critique rock en vivant une vie aussi déjantée que celle des Rolling Stones.


On s’étonne de voir malmenés dans MMF certains films qui semblent aujourd’hui mériter d’office le label MMF

Les rédacteurs de MMF suivaient le phénomène en direct, et par conséquent ils ne pouvaient avoir le même regard que nous sur l’évolution de tel ou tel cinéaste ; aujourd’hui, nous disposons d’une vision d’ensemble. Je suis par exemple en désaccord avec la critique négative du film de Mario Bava, Hercule contre les vampires. Je trouve que c’est un merveilleux péplum : la photo, l’imagerie des Enfers, la poésie macabre de Bava… Il y a là toute la noblesse du grand cinéma populaire. Mais pour les midi-minuistes qui venaient de découvrir le Masque du démon ou qui s’apprêtaient à voir bientôt le Corps et le fouet, cet Hercule ne pouvait être que déstabilisant. Mais tout cela fait aussi le charme de la relecture aujourd’hui. Machine à remonter le temps...


Les commentaires sur l’érotisme de certains films ne sont-ils pas parfois un peu appliqués ?

Au contraire ! Non seulement ce décryptage n’avait jamais été fait dans le domaine du fantastique, mais il s’est nourri (pour le meilleur) de références littéraires, dont la plus importante était pratiquement inédite. Sade n’a vraiment été découvert que dans la décennie 1947-1957, quand Pauvert a pris le risque de publier intégralement toutes ses œuvres, malgré tous les ennuis que lui a créés la censure. Ainsi Fisher n’était pas analysé dans MMF par le biais du scénario, mais par le biais des motifs : le héros noir, le château sadien, la perversion sexuelle… Et puis ce credo midi-minuiste selon lequel le fantastique est l’autre nom de l’érotisme a été magnifié dans les longs tunnels de photos de la revue, véritable « mise en scène » qui permettait de rêver les films à volonté… De ce point de vue, MMF a tout d’une revue d’art.


Au fil des numéros, le champ de MMF semble s’être élargi. On ne parlait plus uniquement de films fantastiques — Jean-Claude Romer se plaît d’ailleurs à répéter que tout bon film est fantastique — et cette revue de cinéma prenait parfois des allures bien littéraires…

Dès les premiers numéros, la frontière entre les films de genre et les autres est très ténue ; les châteaux de Fisher sont qualifiés de « marienbadiens » ; dès le numéro trois, Michel Caen, âgé de vingt ans à peine, affirme que la génération spontanée n’existe pas plus au cinéma qu’en biologie ; par la suite, on s’enthousiasme avec la même intensité pour le Godard d’Alphaville et le Franco de l’Horrible Docteur Orlof

Plus qu’une revue pionnière, MMF était en réalité une véritable revue-manifeste. Lorsque Michel Caen prend des photos du Voyeur dans la salle du Midi-Minuit et publie ces étranges clichés granuleux, sombres, inquiétants, dans la revue, il ne se contente pas, à travers cette mise en abyme, de révéler la nature du film de Michael Powell. Il livre une véritable profession de foi esthétique. Il entend démontrer que, loin de faire partie des arts d’assouvissement dénoncés alors par Malraux, le cinéma d’horreur appartient aux arts de la sublimation. C’est un grand geste critique, selon la fameuse définition d’Oscar Wilde : un acte de création qui débouche sur la poésie la plus pure.


Propos recueillis par FAL


Michel Caen et Nicolas Stanzick (dir.)

Rouge Profond, Collection Raccords

Production DVD : Soft-Prod

Distribution/diffusion : Harmonia Mundi

Photos : 800 (couleur et noir et blanc)

DVD : 205 min (multizone)

ISBN : 978-2-915083-59-0

Sortie : 10 février 2014

58 €


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2 commentaires

Le temps est devenu le facteur-clé de cette histoire critique imprimée sur MMF, assurément, davantage aujourd'hui que l'espace qui le définissait pourtant initialement car c'est en fonction ce cet espace qu'on pouvait soi-même se définir en acceptant ou en refusant de voir un film dans telle ou telle salle de cinéma. Le cinéma étant un art de l'espace et un art du temps, rien d'étonnant que ces deux éléments se retrouvent à leurs tours nécessairement dans son histoire critique.

Je pense que la faiblesse critique de certaines notices MMF sur certains films fantastiques classiques ne sont pas d'origine sociologique ni le fait d'une erreur historique inévitable en raison de la simultanéïté qui serait une source possible d'erreur de jugements.  Elle reflète simplement la faiblesse intellectuelle du rédacteur de ladite notice, ce jour-là ou cette nuit-là, qui n'a pas su appréhender comme il le fallait l'intérêt esthétique et thématique de l'oeuvre.  Nicolas répondra que l'oeuvre se construisant, elle n'existait pas encore comme objet fini : c'est une idée toute hégélienne qui est séduisante. On pourrait en effet soutenir qu'il était impossible de juger Fisher ou Freda avant leur dernier film tourné, que seul une vision totale, historique, d'ensemble, chronologique, de leur oeuvre complète est passible d'une critique réelle et pertinente. Mais on peut soutenir aussi que chaque film peut être - et il le fut effectivement ! - visionné individuellement pour lui-même, indépendamment de son "en-soi" qui serait son appartenance à l'oeuvre.  On pourrait répondre aussi que la juste critique fait dialoguer l'individu-film avec ses antécédents signés par le même cinéaste, la dernière oeuvre et les oeuvres précédentes, que ce sont les résultats additionnés de ses jugements individuels, leurs confrontations simultanées qui finissent par former le concept de l'oeuvre.  Tout ça est vrai. MMF en est vraiment une illustration dynamique, très excitante pour cette raison, rétrospectivement davantage encore que de son propre temps.

C'est donc parce que Caen juge que PEEPING TOM mérite qu'on en prenne un photogramme que PEEPING TOM à ce moment-là commence à être un objet critique en France, c'est exact. Mais le fait que Caen rate la portée du FANTOME DE L'OPERA version Fisher n'empêche pas non plus ce Fisher d'être - d'avoir été et de demeurer - un grand Fisher.

Quelques coquilles dans mon commentaire précédent.
Lire au début :
"Je pense que la faiblesse critique de certaines notices MMF sur certains films fantastiques classiques n'EST pas d'origine sociologique... (...)"