Entretien avec Fabien Clavel dans l'enfer du métro parisien infesté de zombies !

A l'occasion de la sortie de Métro Z, le roman hommage de Fabien Clavel au genre zombie, rencontre avec un des auteurs français les plus attachants et les plus primés.

Vous surfez sur la mode des zombies mais pourtant vous esquivez l'un des petits plaisirs du genre qui est le massacre des zombies. Pourquoi ce choix ?

D’abord il s’agit d’un roman jeunesse. Du coup, les aspects gore sont partiellement gommés et la peur doit (et peut) reposer sur des ressorts plus subtils. Ensuite, le plaisir du massacre de zombies est essentiellement cinématographique : on voit la chair éclater, les corps tomber en morceaux, avec des gros plans et des ralentis. D’une certaine manière, c’est rassurant. Dans un livre, ce plaisir est moins immédiat puisque moins visuel. Enfin, le massacre de zombies est surtout propre à la culture américaine avec ses armes à feu. En tant qu’Européen, il me semble qu’on peut proposer une autre manière de les affronter. Clairement, dans mon histoire, ceux qui massacrent les zombies sont dénoncés et laissés hors-champ. Pour une raison simple : une part de ces zombies est peut-être encore humaine…

Parmi vos personnages il y a C-Byl la gentille métis et Méléard le salaud de patron pourri. Pourquoi ce manichéisme un peu facile ?

C’est manichéen parce que la situation présentée dans le livre appelle des comportements tranchés, d’autant que l’action se déroule en quelques heures seulement. Dans d’autres circonstances, C-Byl aurait très bien pu apparaître comme la méchante. Quant à Méléard, c’est un dirigeant chez MNV Networks qui est une filiale de McNess & Visanto, l’incarnation du mal économique dans mes thrillers. Il peut donc difficilement paraître sympa. S’il est à sa place, ce n’est pas parce que c’est un champion de l’humanisme. Il considère que C-Byl, Emma et Natan ont moins le droit que lui à vivre. Cela apparaît caricatural comme lutte des classes mais je ne suis pas sûr d’être si loin de la réalité... C’est enfin une manière de renverser un peu le discours, tout aussi manichéen et dont je me lasse beaucoup, sur les jeunes, les banlieusards et les immigrés, quand les chefs d’entreprise sont présentés comme des figures du héros moderne. J’avoue cependant qu’il y a un problème de vraisemblance : jamais un type comme Méléard n’aurait mis les pieds dans le métro.

La série Walking Dead met en avant les relations humaines dans un monde plein de zombies. C'est un peu votre ambition avec Metro Z, faire ressortir l'humain ?

Toutes les créatures surnaturelles sont là pour éclairer une partie de l’humanité. Effectivement, ce qui est intéressant avec l’invasion de zombies, c’est de voir comment les survivants réagissent. Pour me documenter, j’ai lu un essai évoquant la prise en charge des traumatismes psychiques. L’auteur montrait que le traumatisme pouvait mettre à jour des problèmes bien plus anciens. C’est exactement ce que raconte mon histoire : comment les relations difficiles et ambivalentes d’Emma avec son frère sont dévoilées par l’attentat. Bien sûr, l’aventure constitue aussi une sorte de thérapie de choc pour mes deux héros.

Plus que ça, il y a comme une réécriture du mythe d'Eurydice aux enfers dans votre roman, où Emma serait Orphée...


Je suis obsédé par les descentes aux Enfers. Ici, plus précisément, j’ai retravaillé à partir du mythe de Castor et Pollux : deux frères dont l’un est mortel et l’autre immortel. Quand l’un d’eux meurt et se retrouve aux Enfers, son frère décide de partager l’immortalité avec lui : ils passent ainsi la moitié de leur temps au sommet de l’Olympe et l’autre aux Enfers. Tout mon roman est construit sur cette histoire, jusque dans des détails, comme le clochard boxeur qui rappelle leur victoire contre le roi des Brébyces ou Méléard qui rappelle la chasse au sanglier de Calydon avec le roi Méléagre.

Pour vous, de quoi le zombie est-il le symptôme ?

L’idée, dans ce roman, était de travailler sur plusieurs aspects du zombie. D’abord, c’est bien sûr l’habitant des métropoles et surtout l’usager des transports en commun avec leur côté massif, automatique et déshumanisant. Et puis ensuite, je les ai traités comme l’enfermement dans un corps. Les zombies sont décrits comme des personnes autistiques. Mais dans le roman, ce qui les conduit à devenir ainsi, c’est la réaction à l’attentat, la peur, le traumatisme. D’ailleurs, le mot zombie est parfois utilisé pour désigner des personnes en état de choc. Ici, je voulais montrer des gens qui se considèrent comme des citadelles assiégées et se ferment à tout par peur.

Attaque terroriste dans le métro parisien, gaz sarin, vous installez votre histoire dans un environnement "probable". Est-ce une des clés de l'emprise de votre récit sur le lecteur ?

Je voulais rester au plus près de la réalité afin faire mieux passer l’aspect zombie. Ils sont d’ailleurs décrits éprouvant des symptômes proches de ceux que peuvent susciter le sarin. De même, je me suis renseigné sur les mesures d’urgence en cas d’attentat chimique, sur les stations fantômes du métro, sur le chantier des Halles, sur les médicaments contre le mal des transports, sur les graffeurs, etc. D’ailleurs, on ne sait jamais si les zombies sont ici des morts revenus à la vie ou bien des personnes traumatisées et/ou empoisonnées. Cette ambiguïté était importante.

On retrouve l'univers de "Nuit blanche au Lycée", huis clos et hommes en uniformes angoissants, et même (oh surprise) Lana Blum !  C'est votre domaine de prédilection, le huis clos ?

Je ne sais pas si je suis le seul à le penser mais, dans le thriller, il est bon que le héros soit ordinaire et que les forces de l’ordre ne puissent l’aider. Le huis clos permet cela facilement. D’ailleurs les deux romans se terminent quand la police arrive. Les ressorts du scénario servent souvent à trouver de nouvelles manières d’éloigner la police. Même si, ici, il s’agit plutôt de l’armée et qu’elle n’intervient pas complétement en sauteuse.


Propos recueillis par Loïc Di Stefano

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.