Camille Cloutier : Paradis Artificiels (ou non). Entretien avec l’artiste.

Les dessins de Camille Cloutier montrent bien autre chose que ce qu’on est en « droit » d’attendre. Ils révèlent à la fois un en-dessous du corps et un au-delà du monde. Ils provoquent à la fois un vide et un plein. Le regardeur se trouve confronté à la nécessité d’une attention ouverte par ce qui surgit comme en suspension dans l’air. Le dessin entraîne vers des horizons imprévus, des terreurs primitives, des extases inavouables.

 

A la recherche d'une dynamique subtile et de l’équilibre parfait les dessins les plus simples  jouent d’une confusion très organisée afin que jaillissent les énigmes de l’être. Une légèreté se dégage : elle contrebalance l'accumulation  des formes,  leur donne tout son sens. Le vide qui circule libère l'élégance des formes et des couleurs. Le dessin s’envole, il est parfait. C’est un oiseau qui danse en pleine majesté.  Le charme du charnel prend une dimension verticale, aérienne. La beauté est en éclats et volutes élégants, lumineux.

 

Dans des architectures suspendues  des mariages se font . Un soleil perce par successions d’ovales.  L’œuvre rend sensible le vide qu’elle tente de combler. Elle intervient comme une fuite en avant, une superfétation de formes et de couleurs dont le caractère parfois incertain signale le caractère ineffable d’une vérité qui ne peut se laisser enfermer.  L’image repousse ce qu’elle aborde,  refuse ce qu’elle est sur le point de recevoir. En cette « parade » le désir d’étreindre et celui de renoncer jouent à fond. Chaque dessin figure l’en-dedans qu’il réussit à faire passer au dehors.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ? Le cri d'un enfant, le cri de deux enfants, la migraine

 

Que sont devenus vos rêves d’enfant ? C'est une sac que j'ai toujours sur moi , où je pioche quand je n'y crois plus

 

A quoi avez-vous renoncé ? A être immortel

 

D’où venez-vous ?  Annecy pour une enfance digne de punky brewster, Charolles pour m'apprendre des valeurs profondes, Marseille pour penser l'art en ébullition, New York pour remettre à plat cette pensée, Bruxelles pour être une suite de soi

 

Qu'avez-vous reçu en dot ? 

"Mon frigidaire
Mon armoire à cuillères
Mon évier en fer
Et mon poêle à mazout
Mon cire-godasses
Mon repasse-limaces
Mon tabouret à glace
Et mon chasse-filous 
La tourniquette
A faire la vinaigrette
Le ratatine-ordures
Et le coupe-friture " Boris Vian

 

Qu'avez vous dû "plaquer" pour votre travail ? La routine de la vie.

 

Un petit plaisir - quotidien ou non ? Le moment où je trouve la position "juste" sur mon oreiller pour m'endormir et que je ferme les yeux.

 

Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ? Beaucoup de cheveux.

 

Quelle fut l'image première qui esthétiquement vous interpella ? Une peinture de Kandinsky au musée Pompidou qui devient une affiche souvenir dans ma chambre d'enfant.

 

Et votre première lecture ? « Cuisine de nuit» de Maurice Sendak

 

Pourquoi votre attirances vers le dessin ? Repenser le dessin après des études académique à New York.

L'importance du blanc, l'importance du vide
La fragilité du papier, qui pour le moment est en symbiose avec ce que je raconte.

 

Quelles musiques écoutez-vous ? Christophe et ses mots bleus, Bashung pour son bleu pétrole et  les Rita Mitsouko pour leur cool frénésie  mais sinon je suis une fan d'émissions de Radio , ainsi j'écoute peu de musique car sinon j'ai trop mauvais goût

 

Quel est le livre que vous aimez relire ? « La route »  de McCarthy

 

Quel film vous fait pleurer ? « Sur la route de Madison », ok ok je suis très fleur bleue mais j'assume car j'adore pleurer devant ma tv.

 

Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ? Qu'est ce que je fais de mes cheveux aujourd’hui.

 

A qui n'avez-vous jamais osé écrire ? je déteste écrire des lettres car mon écriture est moche alors je fais des dessins mais je les envoie jamais et un jour, pourtant  ils murmurent à l'oreille de la bonne personne.

 

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ? Le village dans les nuages bien sur !!!! quelle question !!!!

 

Quels sont les artistes dont vous vous sentez le plus proche ? Philippe Guston, Wyanne thiebaut, Giotto, 

 

Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ? Les clefs du village dans les nuages

 

Que défendez-vous ?  L' amour, je pense qu'il est encore possible d'être 50 ans avec la même personne mais c'est un travail de tous les jours 

 

Que vous inspire la phrase de Lacan : "L'Amour c'est donner quelque chose  qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas"?   Lacan doit reprendre la base de sa pensée car sans amour on ne construit rien, la famille, aussi détestable soit-elle, est la seule fabrique de l'être humain,

 

Que pensez-vous de celle de W. Allen : "La réponse est oui mais quelle  était la question ?"  Si j'ai peur ?

 

Quelle question ai-je oublié de vous poser ? Comment ça va ? comme toute conversation normale qui comment ! (mais où l'on n'écoute jamais la réponse!)

 

Entretien avec Jean-Paul Gavard-Perret, le 17 février 2015.

 

Camille Cloutier, Exposition, Galerie Ruffieux – Bril, Chambéry, mars - avril 2015.
http://galerieruffieuxbril.com/

 

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