Kenneth White, Une cosmologie de l’énergie : Un poète de l’existence

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Lire Kenneth White, c’est partir en voyage. Ce n’est pas seulement à travers des paysages, ceux du Nord, de la vieille Europe ou d’ailleurs, qu’il nous entraîne, par les petits et les grands chemins. C’est aussi à un voyage mental qu’il nous convie, nous faisant découvrir des territoires mal connus de la pensée. Chez lui, pas de frontière, ni dans l’espace, ni dans le temps. A partir d’un lieu qu’il nous décrit, qu’il investit totalement de sa présence, à l’affût des rencontres et des conversations saisies sur le vif, il peut évoquer tel événement historique, tel écrivain qui y a vécu et dont il fait resurgir l’œuvre, l’interrogeant sans préjugés, la confrontant souvent à d’autres espaces de pensée comme on frotte des silex pour faire jaillir un feu. Il aime à construire des passerelles entre les cultures, parfois extrêmes, ne se laissant jamais enfermer dans une doctrine, aussi séduisante soit-elle. Ce qui l’intéresse, c’est, comme il le dit lui-même, « une nouvelle manière de penser et d’être au monde ».


S’il revendique un nomadisme intellectuel autant que géographique, il a aussi ses points d’ancrage : ce fut naguère Gourgounel, dans l’Ardèche, c’est aujourd’hui, sur les hauteurs de Trébeurden dans le Trégor, une maison qu’il a baptisée « Gwenved », terre blanche. Ainsi, tel un chamane, il peut se faire oiseau (l’errant) ou rocher (le sédentaire), mais c’est toujours la même densité poétique qu’il recherche, ce qu’il appelle la géopoétique qui a pour but de « renouveler radicalement notre conception du monde ». La vie est une vibration physique et mentale : c’est ce que l’on ressent en lisant Kenneth White. Où qu’il soit, et à l’instant présent, dans son corps-esprit, l’homme est traversé par des énergies cosmiques dont la pensée est l’une des formes, venant parfois du passé ou de territoires lointains et continuant d’agir sur nous, le plus souvent à notre insu. Il appartient au poète de saisir ces vibrations et de les faire rayonner dans la parole, comme le fait Kenneth White. Relisant « Terre de diamant », je vois soudain le lien secret, se jouant du temps et de l’espace, qui relie par exemple, dans sa sensibilité, le poème « La vie dans les collines » et tel ou tel poème de Li Po qui vivait en Chine au VIIIe siècle, sous la dynastie T’ang.


La revue « Lisières » vient de publier, sous la forme d’un petit livre, un entretien de Laurent Brunet avec Kenneth White qui est une excellente introduction à son œuvre. En voici un court extrait :

 

« N’êtes-vous pas un être du passage ?

« Je suis un piéton, rien de plus », a dit Rimbaud. Je pourrais peut-être dire : je suis un passant et rien de plus. Je passe de la résidence à l’errance, de l’errance à la résidence. Comme du sublime au grotesque, de l’immanent au transcendant, du proche au lointain. Mais cette météorologie apparemment contradictoire se situe dans une grande cohérence chaotico-cosmique. »

 

Laurent Brunet, « Une cosmologie de l'énergie" (Entretiens avec Kenneth White), revue Lisières, Kergoat, 29640 Scrignac, 9 euros.

 

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