Rouen 1203- Guilhem d'Ussel et le visage du Christ

Jean d’Aillon, pseudonyme de Jean-Louis Roos, s’est fait une spécialité des romans historiques et ce, avec succès. Passionné aussi bien par l’Antiquité que par le Moyen Age ou encore par l’Epoque moderne, cet auteur fait partie de ceux qui, à l’instar d’Andréa Japp, accordent une grande importance à l’exactitude historique de leur récit : dates, vocabulaire, faits, tout est vérifié et vérifiable. La sortie du dernier opus des aventures de Guilhem d’Ussel, chevalier troubadour, nous permet de replonger avec délectation dans un univers fascinant où se côtoient gentes dames, princes et vilains, où les pires crimes succèdent au fine amor.


Alors que le roi Philippe Auguste vient de condamner le roi Jean sans Terre, duc de Normandie et vassal du roi de France pour avoir enlevé Isabelle d’Angoulême, fiancée au comte de Lusignan, Guilhem d’Ussel est enfin de retour sur le sol du royaume de France après ses aventures romaines (Rome 1202). Pressé par la guerre, Robert de Locksley et son épouse doivent rentrer à Paris pour rejoindre leur seigneur le roi de France tandis que Guilhem doit rentrer dans son fief de Lamaguère où l’attend son épouse Sanceline. Mais avant le départ, tous deux doivent recruter des hommes d’armes : l’arrivée d’une nef arrivant de Saint-Jean d’Acre va leur en fournir l’occasion. Un mystérieux chevalier, un templier infidèle, un arbalétrier, une jeune veuve, un clerc et des Brabançons débarquent : certains rejoignent Guilhem, d’autres suivent Locksley en direction de Paris. Tous vont se retrouver à Rouen où le roi Jean sans Terre séquestre son neveu Arthur, duc de Bretagne. Déterminé à venger l’assassinat de ses gens, Guilhem va devoir une fois de plus faire preuve d’intelligence et de courage pour affronter les sbires du roi Jean dont la cruauté sans limite s’exhibe à chaque gibet.

 

Quel plaisir de retrouver Guilhem d’Ussel dans Rouen 1203 ! Pourvu de toutes les qualités du chevalier courtois, Guilhem d’Ussel cache un passé beaucoup plus sombre : ancien compagnon du mercenaire Mercadier, surnommé « l’ennemi du genre humain », Guilhem a fait son deuil de son âme car selon lui, rien ne saurait racheter les actes commis à cette époque de sa vie. Néanmoins c’est son expérience de mercenaire et surtout sa connaissance du genre humain qui lui permettent de se sortir des pires situations.


Comme dans les autres opus des aventures du chevalier troubadour, les personnages secondaires, amis ou ennemis, apportent énormément de relief à l’histoire. Thomas de Furnay, dernier fidèle d’Arthur de Bretagne, l’Heyssessini Ali-i Sabbah, alias le chevalier Marc de Saint Jean, Gregorio, le Pisan par leur personnalité et leur histoire dynamisent le récit. Car après tout, arrivé au huitième tome, on pourrait craindre un essoufflement dans l’écriture : ce n’est absolument pas le cas. Chacun de ces personnages fait l’objet d’un traitement à part : nous les suivons au début de l’intrigue sans trop savoir comment des personnalités et des destins aussi différents vont réussir à s’articuler. Petit à petit, les fils se tissent, la toile se forme sans que jamais on ne soit lassé.


On note également la précision historique de Jean d’Aillon qui fournit d’ailleurs une très belle bibliographie à la fin du roman. Au-delà de l’intrigue, l’affrontement entre le quasi mythique Jean sans Terre et le roi Philippe Auguste, la sauvagerie des routiers et Brabançons sont parfaitement retranscrits et fournissent un contexte prenant dont il est difficile de se détacher. Pour peu, l’odeur de charogne des pendus viendrait nous chatouiller les narines.  Jean d’Aillon (on pourrait d’ailleurs croire qu’il s’agit d’un des personnages) intègre parfaitement le romanesque à l’Histoire.


Il n’y a donc pas à redire sur ce nouvel opus des aventures de Guilhem d’Ussel. Notre seul regret est peut être l’absence de Robert de Locksley dans cette aventure, un autre personnage haut en couleur. Une dernière question subsiste : en 1204, quelles seront les prochaines aventures de Guilhem d’Ussel ?

 

Julie Lecanu

 

Jean d’Aillon,  Rouen 1203, Flammarion,  octobre 2014, 488 pages, 22 euros.

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