Un music-hall formaliste pétillant mais peu savoureux
La salle dans laquelle on pénètre donne pleins feux sur une maison blanche, façon moulage, devant laquelle un grand noir, yeux surlignés de blanc, se tient immobile et coi. C’est ensuite une succession d’explosions, une série de rafales de mitrailleuse entre lesquelles s’intercalent de lents mouvements de violons. C’est ainsi qu’interviennent en surgissant les personnages d’abord pétrifiés, figés dans leur position de cible atteinte. Les acteurs sont particulièrement expressifs, dans leurs gestuelles stéréotypées, leurs postures délibérément singées. Le texte de Genet est présenté dans un écrin seyant de lumière, de musique, de mimes. Un free jazz frénétique accompagne les intermèdes dansés en en accélérant le rythme. On est en terre de contrastes.
Robert Wilson construit une fresque vivante à partir de tableaux répétitifs, au cours de laquelle les différents personnages clament leur texte de front, de façon indépendante des autres, figée, comme si l’on assistait à une profération de music-hall. Cela constitue un exercice esthétique qui s’appuie sur un texte paradoxal, aux accents parfois absurdes ; l’ensemble paraît se complaire de ses effets. La représentation est plaisante et bien sentie ; pourtant, du fait de son élaboration, de sa stylisation, elle ne s’avère pas suffisamment prégnante ni efficace. Certes le spectacle souligne les dimensions ironique et corrosive du texte, répétant certaines répliques et les ponctuant de rites intempestifs jusqu’à exhiber des automates conditionnés. Il s’agit d’une tentative d’expression formaliste du discours sarcastique de Genet. Elle en donne une agréable illustration sans en restituer l’acide tension.
Christophe Giolito
Les Nègres de Jean Genet
Mise en scène, scénographie, lumière : Robert Wilson
Avec : Armelle Abibou, Astrid Bayiha, Daphné Biiga Nwanak, Bass Dhem, Lamine Diarra, Nicole Dogué, William Edimo, Jean-Christophe Folly, Kayije Kagame, Gaël Kamilindi, Babacar M’Baye Fall, Logan Corea Richardson, Xavier Thiam, Charles Wattara.
Dramaturgie : Ellen Hammer
Collaboration : artistique Charles Chemin
Assistante à la mise en scène : Cerise Guyon
Collaboration à la scénographie : Stephanie Engeln
Costumes : Moidele Bickel
Assistante costumes : Tifenn Morvan
Collaboration à la lumière : Xavier Baron
Musique originale : Dickie Landry
Maquillage, coiffures : Cécile Kretschmar.
Au théâtre de l’Odéon 75006 Paris (01 44 85 40 40)
http://www.theatre-odeon.eu/fr/2014-2015/spectacles/les-negres
Du 3 octobre au 21 novembre 2014, à 20h00, sauf le dimanche à 15h, durée : 1h40.
Puis, en tournée, les 3 et 4 décembre à Evreux, les 14 et 15 décembre à Clermont-Ferrand, du 9 janvier au 18 janvier à Villeurbanne, du 25 au 28 janvier à Anvers.
Production Odéon-Théâtre de l'Europe, coproduction Festival d'Automne à Paris,
Théâtre National Populaire – Villeurbanne, deSingel campus des arts
international – Anvers, Festival Automne en Normandie, Comédie de
Clermont-Ferrand. Avec le Festival d'Automne à Paris.
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